Après le bois d'oeuvre et le papier surcalandré, c'est au tour d'autres catégories de papiers, incluant le papier journal, d'être frappées par des mesures punitives aux États-Unis.

Le département américain du Commerce a déterminé mardi des droits compensatoires préliminaires de 0,65% à 9,93% sur les importations canadiennes de papiers non couchés au terme de son enquête qui s'est amorcée en août dernier.

Un tarif de 6,53% est imposé à l'ensemble de l'industrie. Plusieurs entreprises ont des droits compensatoires préliminaires particuliers, comme c'est le cas pour Résolu, à 4,42%, Catalyst, à 6,09%, Kruger, à 9,93% et White Birch, à 0,65%, selon les informations obtenues par La Presse canadienne.

En plus de ces droits compensatoires préliminaires, le département américain du Commerce rendrait une autre décision sur des droits antidumping au mois de mars. La commission américaine du commerce international serait finalement appelée à réviser les deux mesures punitives en août.

Le président-directeur général du Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ), Denis Lebel, a déploré par communiqué l'annonce du département du Commerce, parlant d'autres «sanctions commerciales absolument non fondées».

«Ce ne sont pas nos pratiques commerciales, mais plutôt la baisse de la demande et l'érosion du marché du papier journal qui sont à l'origine de la perte de rentabilité des usines américaines», a déclaré M. Lebel.

Cette décision découle d'une plainte déposée par la North Pacific Paper Company (NORPAC), qui exploite une usine d'environ 260 travailleurs dans l'État de Washington. Depuis 2016, l'entreprise appartient à One Rock Capital Partners, un fond de couverture new-yorkais.

L'entreprise américaine reprenait les mêmes arguments avancés dans le dossier du bois d'oeuvre: les papeteries canadiennes feraient du dumping en vendant aux États-Unis le papier journal à un prix inférieur à la valeur du marché, et Ottawa subventionnerait de façon déloyale son industrie forestière.

L'imposition de droits compensatoires toucherait environ 25 usines canadiennes, la plupart situées au Québec et en Ontario. Le Canada est le plus important exportateur de papier journal dans le monde, un marché canadien dominé notamment par Produits forestiers Résolu (TSX:RFP), Kruger ainsi que Catalyst Paper Corp, de la Colombie-Britannique.

Produits forestiers Résolu s'est dite déçue de la décision américaine. Joint en soirée par La Presse canadienne, son porte-parole, Karl Blackburn, l'a qualifiée de «complètement injuste et injustifiée».

M. Blackburn a soutenu que dans les derniers mois, une coalition américaine de grands imprimeurs et de l'association des produits forestiers a vu le jour pour dénoncer en choeur la plainte de NORPAC comme étant non fondée. «Cette grande coalition représente plus de 600 000 travailleurs répartis dans toutes les régions du côté américain», a-t-il ajouté.

Selon le département du Commerce, les Canadiens ont exporté aux États-Unis pour environ 1,6 milliard $ de papier journal en 2016.

La menace d'éventuelles mesures punitives avait aussi incité la News Media Alliance - qui représente quelque 1100 journaux américains - à effectuer une sortie, le 19 décembre, pour critiquer la démarche de NORPAC et de son propriétaire new-yorkais.

Cet organisme soulignait qu'une augmentation du prix du papier journal pourrait se traduire par des pertes d'emplois dans de nombreux médias aux États-Unis, qui sont aux prises avec une diminution de leurs recettes publicitaires alors que les annonceurs se tournent de plus en plus vers des solutions numériques.

De plus, 34 membres de la Chambre des représentants ont interpellé le secrétaire au commerce Wilbur Ross en décembre afin de rappeler que les arguments de NORPAC ne reflétaient pas ceux de l'industrie américaine du papier.

La décision de Washington annoncée mardi risque d'affecter environ 950 travailleurs de Résolu dans ses usines d'Alma, Amos, Gatineau, Clermont et Baie-Comeau, qui produisent un type de papier visé par les droits compensatoires préliminaires.

Les installations de l'entreprise situées à Dolbeau et Kénogami, où travaillent environ 330 personnes, sont déjà frappées par les taxes à la frontière sur le papier surcalandré. Depuis 2015, l'entreprise a versé près de 70 millions $ en taxes.