Jusqu'à maintenant, les scieries québécoises tiennent le coup devant l'imposition du droit compensateur de 19,88 % qui frappe tout le secteur. Aucune mise à pied n'est prévue, sauf chez le géant Résolu, qui a annoncé la mise à pied temporaire ou le report d'embauche de 1300 personnes.

Pourtant, le conflit du bois d'oeuvre est proportionnellement moins coûteux pour Résolu.

L'entreprise bénéficie d'un droit compensateur moins élevé, soit 12,82 %, plutôt que 19,88 %, et celui-ci n'est pas rétroactif, contrairement au reste de l'industrie au Québec.

Pour Eacom, une autre grande entreprise du secteur, qui écoule normalement 50 % de sa production aux États-Unis, ce droit rétroactif est dur à avaler. « Les liquidités qu'on doit consacrer à la rétro, on ne peut pas les investir, dit Christine Leduc, directrice des affaires publiques chez Eacom. Mais on ne prévoit pas de mises à pied. »

Même son de cloche chez Barrette-Chapais.

« Ça fait 40 ans qu'on est en opération et on n'a jamais fait des mises à pied. Mais il ne faudrait pas que les conditions soient plus difficiles. Et on se questionne sur Résolu qui a eu un petit 12 %. On espère qu'on sera normalisés, on est tous soumis au même régime forestier », explique Mario Gibeault, vice-président au développement durable chez Barrette-Chapais.

Une usine du groupe située à Chapais et employant plus de 400 personnes exporte normalement 70 % de sa production aux États-Unis.

Chez Chantiers Chibougamau, qui compte sur le marché américain pour le quart de son chiffre d'affaires, pas question non plus de mises à pied, selon le porte-parole Frédéric Verreault. « On n'a pas vu de baisse de la demande, les taxes n'ont pas encore eu l'impact souhaité par les Américains, dit-il. Les ventes demeurent au rendez-vous, on regarde l'évolution de semaine en semaine. On demeure déterminé à aller au bout du conflit. »

Chez Produits forestiers DG, la situation est pour le moins inconfortable, mais les mises à pied ne sont pas dans les plans, selon Jacques Bussières, vice-président, finances.

L'entreprise exploite une scierie frontalière en Beauce qui achète 80 % de ses billes aux États-Unis, où 90 % de sa production est exportée. Et 100 % de son approvisionnement est en terre privée. Mais elle est quand même frappée par le droit compensateur de 19,88 % relié au prétendu « subventionnement » de l'industrie qui s'approvisionne en terres publiques.

« On est dans l'oeil de l'ouragan, dit M. Bussières. En 2006, on était exempts de droit compensateur. On espère que le département du Commerce va nous exclure encore cette fois. On va continuer de répondre à la demande américaine. On va payer ce qu'on a à payer et on va espérer qu'ils vont nous rembourser. »

Des stocks de bois trop élevés

Le président et chef de la direction de Produits forestiers Résolu, Richard Garneau, défendait lundi sa décision de mettre à pied temporairement 1300 employés, affirmant que les stocks de bois sont trop élevés. « Les clients américains attendent que les prix baissent, mais ce n'est pas le temps de jouer à ce jeu-là, a-t-il dit. Les marges sont trop faibles. »

Depuis le mois de janvier, le cours du bois d'oeuvre a augmenté de 21 % aux États-Unis, plus que le montant du droit compensateur. Mais les volumes de vente sont bas, signe que les acheteurs espèrent une baisse des prix.

Selon des observateurs de l'industrie, Résolu est un acteur assez important sur le marché pour influencer les prix. Plus de la moitié de sa production est exportée aux États-Unis. Et la décision de suspendre la production temporairement envoie le message que la baisse des prix qu'attendent les acheteurs ne se matérialisera pas.

Difficile de savoir qui gagnera ce bras de fer, alors que la saison des chantiers de construction est en plein essor aux États-Unis.