Déjà épineux, le dossier du renouvellement de l'accord canado-américain sur le bois d'oeuvre risque de se compliquer davantage avec l'élection du républicain Donald Trump aux États-Unis, estiment différents observateurs.

Au cours des prochaines semaines, ceux-ci s'attendent à ce que des changements soient apportés au sein des représentants américains, ce qui risque de ralentir des négociations qui progressaient déjà lentement entre les deux parties.

«Il faudra recommencer les rencontres et la sensibilisation alors que nous étions déjà avancés, a expliqué mercredi le président de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), Éric Tétrault, au cours d'un entretien téléphonique. On vient de perdre beaucoup de temps.»

Néanmoins, il croit que le discours protectionniste tenu par M. Trump au cours de la campagne électorale ne se traduira pas nécessairement par un resserrement des exigences américaines étant donné que les républicains sont généralement «plus ouverts» au libre-échange.

Étant donné que M. Trump n'a pas de programme économique «très défini», le président de MEQ espère que la «période d'incertitude» néfaste pour tous les secteurs soit «la plus courte possible».

«On ne sait pas trop à quoi s'en tenir, a dit M. Tétrault. Par contre, nous avons apprécié son discours (de victoire), au cours duquel M. Trump a semblé vouloir se recentrer.»

Pour l'instant, le Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ) préfère attendre avant de commenter l'élection du candidat républicain, disant vouloir d'abord rencontrer ses membres.

Le cabinet de la ministre fédérale du Commerce international Chrystia Freeland a aussi refusé de commenter le dossier, disant vouloir se ranger derrière la déclaration effectuée par le premier ministre, Justin Trudeau.

Après une décennie de stabilité relative, l'expiration de l'entente de 2006 sur le bois d'oeuvre et celle, le 12 octobre, d'une période de grâce d'un an, les États-Unis devraient commencer à imposer des droits sur le bois canadien. Cela devrait rendre les exportations canadiennes de bois d'oeuvre plus dispendieuses.

Les observateurs de l'industrie s'attendent à ce que des droits compensatoires et antidumping totalisant plus de 25 % soient en place d'ici six mois. Le Québec fait valoir que son système d'enchères sur le bois d'oeuvre est similaire à ce qui existe aux États-Unis, et que cela devrait assurer un certain libre-échange.

De son côté, l'ex-vice-président du Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre Carl Grenier, actuellement chargé de cours à l'Université Laval, abonde dans le même sens que M. Tétrault en ce qui a trait à la lenteur des pourparlers.

«Le négociateur en chef des États-Unis, Michael Froman, se dirige vers la sortie, croit-il. Il pourrait s'écouler plusieurs mois avant qu'un nouveau négociateur soit nommé. Cela pourrait se faire au milieu de l'an prochain.»

À son avis, la situation actuelle ne devrait ni accélérer ni retarder l'imposition de droits compensatoires sur les exportations canadiennes de bois d'oeuvre puisque cela fait plusieurs mois que l'industrie américaine a l'intention de déposer une requête à ce sujet auprès du département du Commerce.

Pour sa part, Produits forestiers Résolu, la plus importante compagnie forestière du Québec, a dit entrevoir une «occasion à saisir» étant donné qu'en campagne, M. Trump a dit viser une croissance annuelle de quatre pour cent pour l'économie américaine.

«Cette croissance peut se faire avec la contribution des constructeurs de maisons aux États-Unis, qui apprécient énormément le bois canadien en raison de son prix concurrentiel», a dit le porte-parole de la société, Karl Blackburn.

Résolu a déjà dit s'attendre à ce que le lobby américain du bois d'oeuvre soit plus actif au cours des prochaines semaines pour tenter d'obtenir l'imposition de droits punitifs à l'égard des exportations canadiennes.

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- Selon le CIFQ, l'industrie forestière québécoise représente quelque 60 000 emplois directs et non directs et génère annuellement un chiffre d'affaires de 15,8 milliards.

- Depuis le début de l'année, le Québec a exporté aux États-Unis plus de 1,9 milliard de pieds-planche - une unité de volume utilisée pour le bois de sciage - de bois résineux, d'après des données de Statistique Canada.