À la recherche d'un nouveau souffle dans son marathon face à Nike, Adidas sera désormais dirigé par le Danois Kasper Rorsted, un patron en vogue chipé au fabricant de produits d'hygiène et d'entretien Henkel.

Grand amateur de football, M. Rorsted, 54 ans, qui dirigeait Henkel depuis 2008, prendra ses fonctions au 1er octobre. Mais il travaillera au siège à Herzogenaurach (sud) dès le 1er août, pour assurer une «transition harmonieuse» avec l'actuel patron Herbert Hainer, a annoncé Adidas.

L'équipementier sportif cherchait officiellement depuis le printemps dernier un successeur à M. Hainer, aux commandes depuis 2001, et qui avait toujours clamé qu'il irait jusqu'au bout de son contrat prévu en mars 2017.

À 61 ans, sa longévité inégalée à la tête d'un grand groupe du Dax - l'indice vedette de la Bourse de Francfort - faisait craindre un phénomène d'usure. Son mandat a d'ailleurs été terni par une année 2014 catastrophique malgré le Mondial de football au Brésil, provoquant une fronde des investisseurs.

Signe de cette défiance, l'action Adidas a bondi lundi de 6,25% à 89,26 euros. La simple annonce du changement de patron a enrichi la capitalisation boursière de la société d'un milliard d'euros.

«La réaction du cours de Bourse parle d'elle-même», confie à l'AFP un porte-parole du fonds Union Investment, un des 20 premiers actionnaires d'Adidas, qui militait pour un recrutement en externe du nouveau numéro un.

Amateur de foot

Physique sportif, maîtrise impeccable de l'allemand et de l'anglais, admirateur du Bayern de Munich qu'Adidas commandite à grands frais, M. Rorsted était pressenti depuis plusieurs mois pour prendre les rênes du groupe.

Le Danois «a été un bon patron chez Henkel (...) et jouit d'un bon historique, c'est un bon choix», résume pour l'AFP Andreas Riemann, analyste chez Commerzbank.

Chez le fabricant de l'adoucissant Minidou, du dentifrice Vademecum ou encore de la colle Loctite, il a remis de l'ordre dans les centaines de marques du conglomérat. Sans pour autant renoncer à des rachats ciblés, afin de rester dans la course face au néerlandais Unilever et à l'américain Procter & Gamble.

Cette restructuration réussie, après une expérience chez de grands noms de l'informatique - Oracle, Compaq, Hewlett Packard - , lui vaut une réputation de «Monsieur Parfait» dans le cénacle des grands patrons allemands. Aura qui sera mise à l'épreuve chez Adidas.

Le groupe est en difficulté en Russie, l'activité golf ne rapporte plus d'argent, et globalement le fossé se creuse inexorablement par rapport au grand rival Nike. L'équipementier sportif allemand s'est même fait détrôner aux États-Unis de sa place de dauphin par le nouveau venu Under Armour. Pendant ce temps, la marque à la virgule grignote du terrain en Europe, pré carré d'Adidas.

Priorité: les États-Unis

M. Rorsted devra en priorité «assurer enfin une croissance soutenable et durable aux États-Unis», prévient Cédric Rossi, analyste de Bryan Garnier. Il estime que son été de transition aux côtés de M. Hainer est «indispensable (...) car il ne connaît pas l'industrie des équipements sportifs».

Chez Union Investment, on espère que l'arrivée du nouveau patron marquera «la fin de la traversée du désert d'Adidas en termes de rentabilité». Les rendements du groupe font pâle figure depuis des années face à ceux des concurrents, et le dollar fort menace de manger les bénéfices en 2016.

Mais le Danois n'arrive pas devant une feuille blanche. Après la débâcle de 2014, Adidas a lancé la contre-attaque, avec une nouvelle stratégie qui doit porter les ventes à 20 milliards d'euros d'ici 2020.

Le groupe prévoit notamment de commanditer 500 nouveaux athlètes dans des sports typiquement américains et a déjà recruté le basketteur James Harden et le quart-arrière Aaron Rodgers. L'allemand envisage aussi de se séparer de tout ou partie de son activité de golf.

Les efforts commencent à porter leurs fruits : Adidas a inscrit la meilleure performance du Dax en 2015, lui permettant de recruter un nouvel investisseur, le milliardaire égyptien Nasser Sawiris.

Le défi de M. Rorsted sera d'imprimer son style, tout en «poursuivant sur la lancée du plan stratégique», selon M. Rossi. Mais «il n'aurait pas accepté le poste s'il était en désaccord avec les objectifs».