Dow Chemical et DuPont, deux grands noms de l'industrie américaine, ont annoncé vendredi leur fusion pour donner naissance à un géant mondial de l'agrochimie pesant 130 milliards de dollars en Bourse.

Ce mariage entre les fabricants de l'isolant thermique Styrofoam et de la fibre synthétique Kevlar va redistribuer les cartes de l'agrochimie mondiale et entraîner un grand mouvement de consolidation, selon les analystes qui s'attendent à une contre-offensive de Monsanto.

C'est une fusion entre égaux puisque les actionnaires de Dow Chemical et ceux de DuPont vont détenir chacun 50% du nouveau groupe baptisé DowDuPont. Celui-ci se scindera ensuite, à terme, en trois entités indépendantes cotées en Bourse: agriculture, chimie de spécialité et science des matériaux.

Deuxième plus grosse transaction de l'année après la fusion à 160 milliards de dollars entre les laboratoires Pfizer et Allergan, le rapprochement Dow-DuPont devrait entraîner d'importantes suppressions d'emplois.

DuPont, qui employait 54 000 personnes fin 2014, a annoncé dès vendredi un vaste plan de réduction de coûts dès 2016 de l'ordre de 700 millions de dollars, qui passera notamment par la réduction de 10% de ses effectifs.

Dow Chemical (53 000 employés) prévoit de son côté de racheter la totalité de la co-entreprise spécialisée dans les silicones formée en 1943 avec Corning, Dow Corning.

Les synergies de l'opération devraient permettre de générer 3 milliards de dollars d'économies auxquelles s'ajoutera 1 milliard de dollars lié à la croissance.

Concentration dans les OGM 

En dépit de la future scission, l'opération qui va donner naissance à un groupe au chiffre d'affaires cumulé de plus de 92 milliards de dollars devrait faire l'objet d'un examen minutieux des autorités de la concurrence aux États-Unis et en Europe.

Les régulateurs vont notamment s'interroger sur l'impact de la concentration dans le secteur agricole, alors que les professionnels sont affectés déjà par la chute des prix des matières premières.

DowDupont va détenir 17% du marché des produits phytosanitaires (pesticides, herbicides...), derrière le Suisse Syngenta (21%) et l'allemand Bayer (20%) mais devant un autre allemand BASF (13%) et son compatriote Monsanto (9%), selon Morgan Stanley.

Il sera en revanche un mastodonte dans les semences de maïs avec 41% de parts de marché, contre 36% à Monsanto et 6% à Syngenta. Idem pour le soja, où il va se tailler 38% du marché, 28% à Monsanto et 10% à Syngenta.

«ça va être intéressant de voir comment ils s'en sortent avec les régulateurs. Peut-être allons-nous apprendre quelque chose pour nos futures acquisitions», dit à l'AFP un patron d'un conglomérat industriel américain, sous couvert de l'anonymat.

Le département de la Justice (DoJ) a fait échouer récemment la fusion annoncée entre les câblo-opérateurs Comcast et Time Warner Cable. Lundi, c'est General Electric qui a renoncé à céder son électroménager au suédois Electrolux.

«Cette opération change la donne pour notre industrie», a commenté Andrew Liveris, le PDG de Dow. «Sur la dernière décennie, notre industrie a connu des changements tectoniques en raison d'un environnement en pleine mutation, présentant des défis et opportunités complexes, exigeant de la part de chaque entreprise d'être plus agile et de prévoir», a-t-il ajouté.

Dow et DuPont, qui cumulent à eux trois siècles d'histoire, espèrent être mieux positionnés pour faire face à la chute des prix des matières premières et au ralentissement de grandes économies émergentes (Chine et Brésil) qui ont entamé la rentabilité du secteur.

Ils répondent aussi au voeu des investisseurs activistes américains Daniel Loeb, actionnaire de Dow, et Nelson Peltz, présent dans le capital de DuPont.

En mai, M. Peltz avait vu sa tentative de siéger au conseil de DuPont échouer au terme d'un bras de fer ultra médiatisé contre Ellen Kullman, la PDG de l'époque. Mais celle-ci a dû quitter le groupe quelques jours plus tard.

Quant à M. Loeb, il a signé une paix des braves avec la direction de Dow, qui expire dans les prochains jours.

Andrew Liveris deviendra président du conseil d'administration de DowDuPont, tandis que Edward Breen, son homologue chez DuPont, sera directeur général.

Cette transaction vient parachever une année 2015 historique pour les fusions-acquisitions, dont le montant s'élève à plus 4.754 milliards de dollars à ce jour, un record, selon Dealogic.