Partout dans le monde, la cigarette électronique prend d'assaut les grands fabricants de tabac.

Ceux-ci envisagent des stratégies pour conserver leur domination. Ils testent notamment leurs propres versions de la cigarette électronique. Toutefois, au Canada et au Québec, une bataille plus urgente continue à les préoccuper: la contrebande.

«Pour nous, ce qui a beaucoup plus d'impact que la cigarette électronique, c'est la vente de cigarettes illégales, affirme Caroline Evans, directrice des affaires publiques et corporatives chez JTI-Macdonald, dans une entrevue avec La Presse Affaires. C'est la préoccupation principale dans l'industrie canadienne du tabac actuellement.»

Si, dans le monde, les cigarettes de contrebande représentent environ 10% des ventes de cigarettes, au Canada et au Québec, on parle de 18%. «Au Québec, il se vend 1,5 milliard de cigarettes illégales par année», soutient Mme Evans.

Elle indique qu'au Canada, un sac de 200 cigarettes de contrebande se vend 10$. La même quantité de cigarettes légales se vend environ 80$.

«C'est une énorme différence de prix, note-t-elle. Nous estimons que le gouvernement fédéral et les provinces perdent deux milliards de dollars par année en taxes non perçues, dont 200 millions pour le Québec.»

L'impact de la cigarette électronique est plus difficile à quantifier.

«Nous n'avons pas d'information sur les ventes de ce type de produits, indique Alex Scholten, président de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation. Typiquement, les détaillants les incluent dans la grande catégorie des produits du tabac.

Aux États-Unis, la cigarette électronique représenterait environ 1% des ventes de produits du tabac, soit autour de 1,9 milliard US, selon une analyste de la firme Wells Fargo Securities, Bonnie Herzog. La croissance annuelle des ventes de cigarettes électroniques dépasserait les 20%. Selon Mme Herzog, la consommation de cigarettes électroniques pourrait dépasser celle des cigarettes traditionnelles d'ici dix ans.

Selon M. Scholten, les ventes de cigarettes électroniques ont fortement augmenté au Canada, mais pas autant qu'aux États-Unis, en raison de l'incertitude qui règne au sujet de la réglementation de ce produit.

«Il est interdit de vendre des cigarettes électroniques avec nicotine, mais elles sont facilement disponibles, note Mme Evans, de JTI-Macdonald. C'est le Far West. Il faut soit faire respecter la loi, soit permettre la vente de cigarettes électroniques avec nicotine.»

JTI-Macdonald favorise cette dernière possibilité.

«Nous pensons que les adultes devraient pouvoir être en mesure de choisir des cigarettes électroniques avec ou sans nicotine», déclare-t-elle.

C'est aussi l'avis de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation. «Il y a une grande frustration actuellement, affirme M. Scholten. Les dépanneurs respectent la règle et ne vendent pas de cigarettes électroniques avec nicotine, mais le produit est disponible ailleurs. Les dépanneurs veulent des règles du jeu équitables.»

La société mère de JTI-Macdonald, Japan Tobacco, a décidé de faire sa place dans l'industrie de la cigarette électronique en faisant l'acquisition de Zandera, une entreprise qui commercialise la cigarette électronique E-Lites au Royaume-Uni.

Mme Evans déclare toutefois que JTI-Macdonald n'a pas l'intention de proposer la cigarette E-Lites au Canada. Du moins, pour l'instant. «Nous évaluons le marché, dit-elle. Nous voyons la cigarette électronique comme un complément au portefeuille de produits du tabac que nous offrons.»

La société mère d'Imperial Tobacco, British American Tobacco (BAT), tâte également le marché avec le lancement de la cigarette électronique Vype au Royaume-Uni.

La société mère de Rothmans, Benson&Hedges, Philip Morris International, a adopté une stratégie différente. Elle développe des produits qui ressemblent davantage à la cigarette traditionnelle en termes de goût et de sensation, tout en réduisant le risque que courent les fumeurs et la population.

Philip Morris teste notamment à Nagoya, au Japon, et à Milan, en Italie, l'iQOS, un système qui chauffe le tabac au lieu de le brûler, produisant un aérosol qui fournit aux fumeurs le vrai goût du tabac, sans feu, sans cendres et avec moins d'odeur.

«Il y a une grande sensibilisation à la cigarette électronique, il y a beaucoup de personnes qui l'essaient, mais le taux d'adoption est relativement peu élevé dans la plupart des pays, déclare Jonathan Leigh, de Rothmans, Benson&Hedges. Cela montre qu'il y a de la place sur le marché pour une variété de produits qui fournissent une expérience plus semblable à celle de la cigarette combustible.»

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LES GÉANTS DU TABAC

Imperial Tobacco Canada

Société mère: British American Tobacco (BAT), Londres

Siège social au Canada: Montréal

Nombre d'employés: 700, surtout à Montréal

Part de marché: 50,8% en 2013

Société mère: Philip Morris International, New York

Siège social au Canada: Toronto

Usines: Québec et Brampton

Nombre d'employés: 780 employés, dont 350 au Québec

Part de marché: 37,2% en 2013

JTI-Macdonald

Société mère: Japan Tobacco, Tokyo

Siège social au Canada: Mississauga

Usine: Montréal

Nombre d'employés: 510 au Canada, dont 300 à Montréal

Part de marché: 12% en 2013