Événement inusité hier à Saint-Bruno: les dirigeants d'une entreprise chinoise ont procédé à la première pelletée de terre d'une usine de systèmes d'alarme incendie dont la production sera expédiée... dans l'Empire du milieu.

«Plusieurs personnes sont surprises d'apprendre qu'une entreprise chinoise vient fabriquer des produits au Québec pour les exporter en Chine», a reconnu Zhendong Xu, président du conseil d'administration du groupe Beida Jade Bird.

L'entreprise, par l'entremise de sa filiale canadienne, Maple Armor, investira 30 millions dans cette usine de quelque 10 000 mètres carrés, qui sera sa première à l'extérieur de la Chine. Beida Jade Bird souhaitait s'installer en Amérique du Nord afin d'y fabriquer des systèmes respectant les normes internationales les plus élevées, pour lesquels la demande s'accroît rapidement en Chine, a expliqué M. Xu.

De plus, le Québec compte sur une «main-d'oeuvre de grande qualité» et jouit d'un «emplacement géographique stratégique» qui pourrait permettre à Beida Jade Bird d'exporter ses produits aux États-Unis et en Europe de l'Ouest d'ici quelques années, a ajouté l'homme d'affaires chinois.

Pour attirer les 70 emplois que la future usine devrait créer, Québec a accepté de verser une subvention de 1 million à Maple Armor, en plus de consentir un prêt sans intérêt de 3 millions.

«Ce qui sera produit ici, ça ne sera pas «Made in China», mais «Made in Quebec for China» », s'est exclamé le ministre de l'Économie, Jacques Daoust.

«J'aime le développement économique international parce que c'est de la richesse qu'on amène au Québec plutôt que de l'argent qu'on s'échange entre nous», a-t-il ajouté.

«L'investissement de Beida Jade Bird s'inscrit dans la tendance actuelle des entreprises chinoises de s'internationaliser», a souligné Benlin Yu, conseiller économique de l'ambassade de Chine à Ottawa.

D'autres investissements chinois au Québec, dont un dans le secteur minier, devraient être annoncés au cours des prochaines semaines, a indiqué M. Yu.

Le terrain où sera construite l'usine de Maple Armor appartenait à la Ville de Saint-Bruno, qui l'a vendu à l'entreprise pour 564 000$. C'est environ 70 000$ de moins que sa valeur marchande, un «cadeau» pour s'assurer de convaincre Maple Armor de s'installer à Saint-Bruno, a expliqué le maire, Martin Murray.

La transaction a suscité des remous à l'hôtel de ville en avril. S'appuyant sur des reportages diffusés en Chine, un conseiller municipal de l'opposition a alors allégué que des actionnaires de Beida Jade Bird avaient eu des démêlés avec la justice chinoise. La Ville a entériné la vente après avoir obtenu de Maple Armor une déclaration sous serment certifiant que l'entreprise n'avait rien à avoir avec la controverse. L'Université de Pékin a aussi fourni une déclaration niant les allégations des reportages.

Fondé en 1994 par des étudiants de l'Université de Pékin, le groupe Beida Jade Bird est coté à la Bourse de Hong Kong et contrôlé par le gouvernement chinois. En 2013, l'entreprise a enregistré un chiffre d'affaires de 750 millions de yuans (133 millions CAN) et des profits nets de 125 millions de yuans (22,3 millions CAN). Plus de 85% des revenus proviennent de la vente de systèmes d'alarme, le reste découlant de la division touristique du groupe, qui compte 800 employés en tout.

L'usine de Saint-Bruno doit amorcer ses activités l'année prochaine.

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D'AUTRES INVESTISSEMENTS CHINOIS AU QUÉBEC

Un «Chinatown» à Longueuil

En février, la Ville de Longueuil a approuvé la vente, pour 3,2 millions, de 2 terrains du boulevard Moïse-Vincent à Gestion MITC, une firme contrôlée par des intérêts chinois. L'entreprise entend y construire une «Cité du commerce international chinois». Les villes de Laval et de Vaudreuil-Dorion avaient aussi été envisagées pour le projet.

Des visées sur le fer et le nickel

En 2009, le producteur d'acier chinois Wuhan Iron and Steel Company (WISCO) a investi 240 millions dans l'entreprise québécoise Consolidated Thompson, qui exploitait une mine de fer dans la région de Sept-Îles. Consolidated Thompson a depuis été rachetée par l'américaine Cliffs Natural Resources. Puis en 2010, la chinoise Jilin Jien Nickel Industry Company a déboursé 192 millions pour mettre la main sur Canadian Royalties, qui développait alors une mine de nickel au Nunavik. La mine est en exploitation depuis l'an dernier.

Une usine de textile à Drummondville

En 2001, China World Best a investi une quarantaine de millions pour établir une nouvelle usine de textile à Drummondville. Celle-ci a fermé trois ans plus tard. En 2007, le groupe l'a rouverte avant de la fermer à nouveau.