Ne dites pas à Martin Schwartz que Dorel (T.DII.B) est un conglomérat éparpillé dans trop de secteurs différents. «Nous sommes une entreprise de produits de consommation», rectifie-t-il, convaincu des synergies entre les différentes divisions du groupe.

L'histoire de Dorel remonte à 1962 quand le père de M. Schwartz, Leo, a fondé une entreprise de produits pour enfants. En 1987, Dorel a fusionné avec Ridgewood, un fabricant de meubles prêts à assembler fondé par Martin Schwartz et son beau-frère Jeff Segel. La même année, Dorel a fait son entrée à la Bourse de Montréal.

Aujourd'hui, Dorel est la plus importante entreprise mondiale de sièges d'auto pour enfants, de poussettes et de chaises hautes. C'est aussi l'un des 10 plus importants fabricants de meubles en Amérique du Nord et l'un des chefs de file dans le marché du vélo.

En étant aussi diversifié, Dorel se trouve dans une situation particulière, mais pas unique. Le géant américain Newell Rubbermaid, qui concurrence Dorel dans le secteur des produits pour enfants avec sa marque Graco, est aussi présent dans d'autres domaines: stylos (Sharpie et Paper Mate), mobilier pour hôpitaux, stores (Levolor), etc.

L'acquisition de Cannondale

Il reste que l'acquisition du fabricant américain de vélos haut de gamme Cannondale, réalisée au coût de 200 millions US en 2008, et encore plus son succès ont surpris bien des observateurs.

«Nous avons recruté des gestionnaires d'expérience pour les postes-clés, dit Martin Schwartz, 66 ans. Avec des gens intelligents qui ont un bon sens des affaires, on peut s'adapter à tout.»

Peu après l'acquisition, un concurrent avait fait courir la rumeur que Cannondale n'allait plus s'intéresser au marché des magasins indépendants pour se tourner vers les Wal-Mart de ce monde. Il faut dire qu'en 2004, Dorel avait acheté Pacific Cycle, qui commercialise des vélos de milieu de gamme (marques Schwinn et Mongoose) dans les grandes surfaces. Or, Dorel gère Cannondale et Pacific séparément, les deux groupes ne ciblant pas la même clientèle.

Cela ne signifie pas qu'il n'existe aucune synergie entre les différentes divisions de Dorel. Celle des produits pour enfants effectue beaucoup de recherche et développement, tout comme Cannondale, de sorte que certains processus peuvent être standardisés et optimisés. Dorel réussit également à obtenir de meilleurs prix pour le transport et les services professionnels grâce à sa masse critique.

Dorel a annoncé plus tôt cette année la fermeture de l'usine de Cannondale située à Bedford, en Pennsylvanie, ce qui entraînera la perte d'une centaine d'emplois. M. Schwartz ne croit pas que les clients de Cannondale lui en tiendront rigueur. «Il n'y a plus beaucoup de vélos qui sont fabriqués aux États-Unis, même dans le haut de gamme», souligne-t-il.

Des vélos en Amazonie

La grande majorité des vélos de Dorel et de ses concurrents sont aujourd'hui fabriqués en Asie. Mais en prenant le contrôle de la célèbre firme brésilienne Caloi, l'été dernier, Dorel a acquis la plus grande usine de bicyclettes à l'extérieur de l'Asie. Située à Manaus, en plein coeur de l'Amazonie, elle fabrique plus de 700 000 vélos par année.

Les travailleurs de Caloi ont commencé à assembler des vélos de marques Cannondale et Schwinn pour le marché brésilien. Dorel aimerait se servir de l'usine pour exporter en Europe, mais son éloignement et les droits de douane élevés l'en empêchent. Quoi qu'il en soit, en Amérique latine, l'entreprise espère répéter avec les vélos le succès qu'elle connaît avec les produits pour enfants depuis 2009.

«Le Brésil, le Chili, le Pérou et la Colombie sont des marchés intéressants parce que la classe moyenne y est en forte croissance», souligne Martin Schwartz. À plus long terme, l'Asie est dans la ligne de mire de Dorel. «Ce serait bien de pouvoir y réaliser une acquisition», glisse-t-il.

En janvier, Dorel a acheté l'entreprise israélienne Tiny Love, qui commercialise des produits pour enfants dans plus de 50 pays. Dorel espère tirer parti du réseau de distribution particulièrement développé de Tiny Love en Russie et en Europe de l'Est.

Incursion dans les futons

Et Montréal dans tout ça? En plus de son siège social, qui emploie une cinquantaine de personnes, Dorel y possède un centre de distribution et une usine qui fabrique des futons. Ce créneau de la division mobilier de l'entreprise a largement bénéficié de la croissance du commerce électronique aux États-Unis, ses ventes ayant été multipliées par quatre ces dernières années.

«C'est la composante la plus rentable de notre division mobilier», affirme Jeffrey Schwartz, frère de Martin et chef des finances de Dorel.

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FORCES ET FAIBLESSES

Forces

> Excellentes relations avec les grands détaillants comme Wal-Mart et Carrefour

> Masse critique qui permet de générer des économies d'échelle

Faiblesses

> Faibles marges d'exploitation (entre 4 et 6%)

> Concurrents redoutables: Newell Rubbermaid (produits pour enfants), Giant (vélos) et Sauder (meubles)

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RÉPARTITION DES VENTES DE DOREL

> États-Unis: 56%

> Europe: 24%

> Amérique latine: 8%

> Canada: 6%

> Reste du monde: 6%

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D'UNE ACQUISITION À L'AUTRE

> 1988: Cosco, fabricant américain de produits pour bébés et de meubles

> 1990: Maxi-Cosi, fabricant néerlandais de produits pour bébés

> 1998: Ameriwood, fabricant américain de meubles

> 2000: Safety 1st, fabricant américain de produits pour bébés

> 2003: Ampa, fabricant français des produits de marque Bébé Confort

> 2004: Pacific Cycle, fabricant américain de vélos (marques Schwinn, GT et Mongoose)

> 2008: Cannondale, fabricant américain de vélos haut de gamme

> 2013: Caloi, fabricant brésilien de vélos

> 2014: Tiny Love, fabricant israélien de produits pour bébés

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DOREL EN BREF

> Fondée en 1968

> Revenus de 2,4 milliards en 2013

> Profits nets de 58 millions en 2013

> 6400 employés dans 25 pays