La décision du Montréalais Michael Penner d'établir une usine de chaussettes aux États-Unis a eu un effet inattendu: une rencontre avec Barack Obama à la Maison-Blanche.

Mardi, le président américain a reçu les dirigeants de 11 entreprises, principalement étrangères, qui ont lancé des projets d'investissement dans le pays au cours des derniers mois. M. Penner, actionnaire de contrôle de Bonneterie Richelieu depuis 2006, était le seul Canadien du groupe. À ses côtés se trouvaient des représentants d'Ericsson, de Lufthansa et de Ford Motor.

«La première chose que j'ai dite au président, c'est que je venais de Montréal, Québec, Canada, raconte-t-il au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse Affaires. Ce qui était le plus important pour moi, c'était que le Canada soit aussi bien représenté que les autres pays à la table.»

Michael Penner a racheté Richelieu de son père Harvey, qui l'avait lui-même acquise de la célèbre famille Simard dans les années 90. L'entreprise fondée à Sorel fête cette année son 80e anniversaire.

Au début des années 2000, Richelieu possédait des usines à Plessisville, Pintendre et Cornwall. La dernière a fermé en 2007, conséquence de l'appréciation du dollar canadien et des droits de douane préférentiels consentis par Ottawa à des pays très pauvres comme le Bangladesh, où s'est déplacée une partie de la production mondiale de vêtements.

Richelieu s'est donc réinventée comme concepteur, importateur et distributeur de chaussettes. L'entreprise fait fabriquer ses produits par des sous-traitants situés en Chine, au Mexique, en Turquie et au Cambodge.

En 2011, Richelieu a décidé de percer le marché américain en rachetant pour 7 millions US les actifs d'International Legwear Group (ILG), une entreprise en faillite de Caroline-du-Nord. Comme Richelieu, ILG était un ancien fabricant devenu importateur. En quelques années, M. Penner et son équipe ont redressé l'entreprise. Le nombre d'employés a presque doublé, passant de 50 à près d'une centaine, et les ventes ont quadruplé. Au Canada, Richelieu compte environ 80 salariés.

Investissements de 24 millions US

Mais ce qui a attiré l'attention de M. Obama, c'est le projet de Richelieu de reprendre la fabrication de chaussettes aux États-Unis. Cet automne, une première usine verra le jour dans un État du sud du pays que Michael Penner refuse de nommer. Si tout va comme prévu, cet investissement de 9 millions US, qui créera 200 emplois, sera suivi l'an prochain d'un autre de 15 millions US pour la deuxième phase du plan.

L'un des déclencheurs du projet a été l'intention de Wal-Mart, annoncée l'an dernier, d'encourager les entreprises qui fabriquent leurs produits aux États-Unis. Outre le mastodonte de l'Arkansas, Richelieu compte parmi ses clients Target, Kmart et Sears.

De plus, l'avantage concurrentiel des pays en développement est en train de diminuer, selon M. Penner. «En Chine, les salaires vont avoir doublé de 2013 à 2017, soutient-il. C'est sans compter les frais de transport plus élevés et les délais de mise en marché plus longs.»

L'entreprise pourrait-elle répéter au Canada ce qu'elle s'apprête à faire aux États-Unis? La question se pose d'autant plus que le taux d'imposition des entreprises est plus élevé au sud de la frontière qu'ici, un sujet que Michael Penner a abordé avec Barack Obama.

«C'est vraiment mon rêve d'ouvrir une usine au Canada, dit-il. Nous sommes fiers de nos origines québécoises. Si c'est faisable financièrement, c'est quelque chose qu'on va étudier très sérieusement.»

Des entreprises comme Tricots Duval&Raymond, de Princeville, fabriquent toujours des chaussettes au Québec. Mais pour convaincre Richelieu de rouvrir une usine ici, les détaillants canadiens devront imiter ce qu'a fait Wal-Mart aux États-Unis et s'engager à acheter des produits locaux, dit M. Penner.

Or, le géant montréalais Gildan, qui fabrique des t-shirts et des chaussettes, a fermé sa dernière usine québécoise en 2007 et ne prévoit pas reprendre la production de ce côté-ci de la frontière en raison notamment de la taille limitée du marché canadien. L'entreprise exploite trois usines de filature dans le sud-est des États-Unis, à proximité des producteurs de coton, et en ouvrira une quatrième sous peu. Ses vêtements sont fabriqués en Amérique centrale et au Bangladesh.