De forts courants d'air soufflent sur l'industrie des portes et fenêtres en Amérique du Nord, qui emploie quelques milliers de personnes au Québec seulement.

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D'une part, la grave crise du bâtiment aux États-Unis après des années de vaches grasses provoque de nombreuses faillites d'entreprises des deux côtés de la frontière.

La plus récente au Québec: la firme BGO (Bonneville) en Beauce a déposé son bilan et licencié ses 200 employés le mois dernier, en panne de liquidités après plusieurs trimestres de chute des ventes et de déficits d'exploitation.

BGO doit maintenant faire une proposition à ses créanciers, qui lui réclament au moins 5 millions de dollars, avant d'envisager une reprise d'activités.

D'autre part, à Sherbrooke, Fenêtres Robert vient de liquider ses actifs après l'échec des projets de relance qui ont suivi sa faillite du printemps dernier, qui a laissé 60 travailleurs sans emploi.

Par ailleurs, des entreprises en meilleure posture et des investisseurs se pointent à l'affût d'actifs à prix déprimés qu'ils espèrent valoriser au cours d'une relance du marché.

Acquisition d'Onex

C'est le cas du conglomérat Onex, de Toronto, qui vient de prendre le contrôle pour 870 millions US de l'un des plus gros fabricants nord-américains de portes et fenêtres résidentielles: le groupe Jeld-Wen, basé en Oregon.

Cette entreprise de 3 milliards de chiffre d'affaires a deux usines au Québec qui regroupent 400 employés, dont la filiale Donat Flamand située en bordure de l'autoroute 20 dans Lotbinière.

Jeld-Wen peinait sous 1,2 milliard de dette alors que ses revenus ont chuté de plus de 500 millions depuis deux ans ans.

La mainmise d'Onex, confirmée lundi, survient cinq mois après un premier accord d'investissement minoritaire chez Jeld-Wen. Cet accord avait aussi été suivi par la nomination en août d'un nouveau PDG.

Entre-temps, un important refinancement de dette par Jeld-Wen s'est avéré plus complexe et beaucoup plus coûteux en intérêts auprès des financiers méfiants envers tout ce qui implique le marché résidentiel aux États-Unis.

Chez Onex, réputé pour son flair d'investisseur en actifs d'affaires dévalués, on y a vu une occasion de prendre le contrôle d'une entreprise à réorganiser en prévision de jours meilleurs.

«Nous travaillerons avec la direction de Jeld-Wen pour revaloriser cette entreprise et profiter d'une éventuelle reprise du marché résidentiel», a indiqué Anthony Munk, directeur chez Onex.

Cette revalorisation de Jeld-Wen augure d'un sérieux tamisage d'actifs parmi sa centaine d'usines et places d'affaires qui regroupent 20 000 employés en Amérique du nord, en Australie et en Europe.

Optimisme au Québec

Mais la direction des deux usines au Québec se dite confiante d'assister à d'une bonne continuité dans un marché - l'est du Canada et l'Ontario - qui est demeuré en bien meilleur état que son voisin américain.

«C'est positif de voir Onex investir dans notre entreprise, considérant la crise qui persiste dans le résidentiel aux États-Unis, selon Lisa Bergeron, directrice chez Jeld-Wen Canada.

«Entre-temps, nos usines au Québec se portent bien malgré le ralentissement du marché canadien ressenti après la fin des crédits d'impôt à la rénovation. Aussi, elles s'étaient déjà retirées du marché américain depuis quelques années, avant la remontée du dollar canadien.»

Chez l'un des concurrents de Jeld-Wen dans le marché résidentiel, le groupe Atis de Longueuil, qui a sept usines et 1400 employés au Québec, on voit d'un bon oeil la venue d'Onex dans l'industrie des portes et fenêtres.

«C'est une marque de confiance envers notre secteur de la part d'un important investisseur. Ça s'inscrit aussi dans le contexte des nombreuses faillites qui font un gros ménage de la surcapacité de l'industrie, aux États-Unis surtout», commente Robert Doyon, président-fondateur et coactionnaire d'Atis.

Croissance chez Atis

Méconnu hors de son secteur, Atis a grossi par acquisitions depuis 10 ans jusqu'à un actif de 11 usines et 2000 employés au Canada, avec un chiffre d'affaires proche des 250 millions.

Au Québec, les sept usines d'Atis comprennent la filiale Laflamme qui a aussi pignon sur l'autoroute 20 dans Lotbinière, voisine immédiate du concurrent Donat Flamant/Jeld-Wen.

Le Groupe Atis sert les marchés du bâtiment résidentiel et commercial, au Canada surtout et un peu outre-mer. Il s'est retiré du marché américain depuis quelques années et s'en abstiendra «jusqu'à ce que la crise soit passée», souligne M. Doyon.

Par conséquent, dit-il, les affaires d'Atis se portent bien en comparaison des concurrents qui peinent ou périssent face à la débâcle du marché américain.

Assez bien pour que l'entreprise maintienne sa vigile d'acquisitions, en particulier dans les Prairies et en Alberta.

Selon M. Doyon, ces deux régions en bonne croissance économique et démographique demeurent sous-représentées dans le marché pancanadien d'Atis.