Avec la mise en liquidation judiciaire de la dernière usine de transformation des produits de la mer SPM Seafood International (SPMSI), la pêche, qui avait fait la fortune de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, disparaît, soulevant moult interrogations pour l'avenir.

L'unique offre de reprise de l'usine a été rejetée le 9 août dernier par le tribunal de commerce de Saint-Pierre. L'autre entreprise de transformation de l'île, les Nouvelles Pêcheries, a été liquidée en novembre 2010. La dernière usine de l'archipel, la Société Nouvelle des Pêches de Miquelon (SNPM) assure ses approvisionnements avec son propre chalutier et a une capacité trop réduite pour traiter les quotas de poisson dévolus à Saint-Pierre.

Aujourd'hui, les pêcheurs de St-Pierre errent sur un quai quasiment à l'abandon, faute d'acheteurs pour leurs poissons. À 49 ans, Bruno Perrin pense maintenant à sa reconversion à terre. Marin pêcheur depuis l'âge de 15 ans, il a connu les doris, les chalutiers à l'époque de la grande pêche, puis la pêche artisanale à bord de son bateau l'Erika. «Je ne sais faire que ça, mais maintenant faut bien chercher autre chose pour gagner sa vie. J'ai fait le tour et il y aurait moyen de travailler dans le BTP, mais ils me demandent le permis poids lourd, alors je vais le passer».

Bruno Perrin va ainsi briser une lignée de pêcheurs qui remonte à plusieurs générations. La sédentarisation de l'homme dans l'archipel au début du 17e siècle reposait sur cette activité, qui fournissait sa précieuse morue devenue vitale pour les pays d'Europe de l'Ouest.

L'apogée économique de l'archipel a été atteint après la seconde guerre mondiale avec la grande pêche à bord de chalutiers usine. Cette pêche industrielle intensive a été stoppée avec le moratoire sur la morue de 1992.

Depuis, la structure économique du territoire, basée sur cette unique filière, est bouleversée et les services administrés prennent progressivement le pas sur les activités marchandes.

Avec le licenciement des 46 salariés permanents de SPMSI et l'impact sur l'ensemble de la filière (emplois embarqués et à terre), le taux de chômage de 9,4% en mai 2011 pourrait bondir de 2 points, les autres secteurs d'activité ne pouvant pas absorber les nouveaux demandeurs d'emploi.

Les perspectives économiques de l'archipel reposent maintenant sur une hypothétique extension de ses droits maritimes dans la région. Un dossier devrait être déposé en 2012 auprès de l'ONU, pour demander l'extension du plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon au-delà de l'actuelle zone limitée depuis 1992 à un étroit tunnel au sud de l'archipel. Elle permettrait aux Français d'exploiter les ressources du sol (poissons de fond, mollusques et crustacés) et du sous-sol (gaz, pétrole). Ces ressources intéressent également le Canada voisin, d'où des tensions diplomatiques entre les 2 pays depuis le dépôt de la lettre d'intention de la France auprès de l'ONU en 2009.

Mais, même avec cette extension, il est peu probable que l'activité pêche retrouve sa prospérité d'antan, le secteur nécessitant une modernisation de ses outils pour faire face aux enjeux d'une filière halieutique mondialisée.

Les revenus d'une mono industrie morutière, associés à un faible niveau de transformation, ne peuvent plus subvenir aux coûts de l'outil industriel, devenu obsolète, surdimensionné et trop gros consommateur d'énergie.

Deux experts ont été mandatés par le gouvernement pour étudier la reconstruction de la filière.