Ce n'est ni le plus beau ni le plus intéressant qui a gagné. Le 3 mai dernier, le concours Taxi of Tomorrow pour le remplacement du parc de taxis de New York a couronné le projet de fourgonnette modifiée Nissan NV200.

La proposition du constructeur turc Karsan était nettement plus excitante. New York l'a toutefois écartée, après qu'un consultant mandaté par la Ville eut émis des doutes sur la capacité du petit manufacturier de véhicules commerciaux légers de concrétiser son design inédit.

C'était pourtant ce départ d'une feuille blanche qui permettait aux designers de mieux répondre aux besoins.

Ainsi, l'emplacement habituel du siège avant droit a été cédé à l'espace vital de la cabine arrière. Les passagers peuvent y déposer leurs bagages en montant; un fauteuil roulant peut s'y avancer.

Le moteur placé à l'arrière autorise un nez ramassé. Le designer automobile québécois Paul Deutschman y voit deux avantages: sans arbre de transmission qui le traverse, le plancher de l'habitacle est abaissé au maximum. Et le chauffeur peut jeter un coup d'oeil aux intersections sans y compromettre un appendice nasal démesuré, comme sur l'actuelle Crown «Cyrano» Victoria.

Bref, un look unique, pour une ville unique.

«C'est une chose de faire un design réussi, nuance Paul Deutschman. C'est complètement autre chose de le fabriquer.» Il sait de quoi il parle. Au tournant des années 80, fraîchement émoulu d'une école de design britannique, il avait travaillé pendant deux ans et demi à la conception d'une voiture taxi pour la firme GSM Design, à Montréal.

Le designer Morley Smith, un des trois associés fondateurs, voulait créer un taxi à l'habitacle généreux, accessible aux fauteuils roulants.

Son format préfigurait la fourgonnette de Chrysler, apparue trois ans plus tard. Sa caisse était ceinte de panneaux en polymère résistants aux chocs. Pour réduire les coûts en outillage pour une si petite série, cette ceinture ne comportait que quatre pièces différentes. «Les ailes sont toutes identiques, le pare-choc avant est le même que le pare-choc arrière, les panneaux de portières sont symétriques», décrit Morley Smith.

Au début des années 2000, son rêve de voir le taxi GSM rouler à New York était en bonne voie de se réaliser. La New York State Energy Research and Development Authority était prête à financer la fabrication de 25 prototypes pour les tester dans les rues de la métropole.

«J'étais tellement près de réussir!, s'exclame Morley Smith, toujours passionné. Puis, le 11 septembre 2001 est arrivé, et le financement a été supprimé. Après 25 ans, j'en avais assez.»

Ce ne fut pas le seul projet de taxi à naître au Québec. Le réputé designer industriel Michel Swift avait lui aussi travaillé au projet de taxi GSM. Près de 20 ans plus tard, il a mis au point avec ses fonds propres un concept d'aménagement intérieur de taxi adaptable aux fourgonnettes nord-américaines comme la Venture de GM.

L'habitacle en panneaux moulés résistants comporte un plancher surbaissé et deux strapontins. Leurs assises s'escamotent élégamment en basculant sur deux pivots fixés au plancher. Les bagages pouvaient être déposés à côté du chauffeur, dans une cabine réaménagée.

En 2003, Michel Swift a accordé la licence du concept à une entreprise québécoise spécialisée dans l'adaptation de fourgonnettes, qui s'est mise à la recherche de capitaux et a déposé une demande de brevet international. Elle a fait faillite deux ans plus tard sans avoir fait avancer le projet.

Michel Swift a récupéré son concept, l'a breveté aux États-Unis. Puis, GM et Ford ont abandonné les fourgonnettes. «Je reste à l'affût d'autres opportunités avec de nouveaux véhicules», confie-t-il.

Le taxi nourrit de durables passions.