Les 850 syndiqués de l'usine Molson à Montréal se prononceront le dimanche 20 février sur les offres dites finales de l'employeur.

Ni la direction de Molson Coors ni le bureau syndical n'ont voulu dévoiler le contenu de la nouvelle entente de principe avant que les syndiqués n'en prennent connaissance.

Les employés ont rejeté à 59% une première entente de principe le 6 février dernier au cours d'une assemblée houleuse tenue à l'école Le Plateau qui a duré plusieurs heures et à laquelle ont participé 600 travailleurs, selon nos informations. À cette occasion, les syndiqués ont donné un mandat de grève au bureau du syndicat Teamsters chez Molson Coors. Le comité exécutif avait recommandé à l'unanimité l'acceptation de l'entente. Le contrat de travail est échu depuis le 31 décembre 2010.

«Il y a un clash de générations à Molson en ce moment, disait la semaine dernière Stéphane Lacroix, porte-parole du syndicat des Teamsters qui représente les travailleurs de Molson Coors. Il y a les plus vieux travailleurs, les baby-boomers, les gens qui s'en vont à la retraite et il y a les plus jeunes, qui sont souvent, la plupart du temps, de la génération X.» Jusqu'à 400 de ses 850 travailleurs de la production et de la distribution pourraient prendre leur retraite d'ici le 31 décembre 2017. Une indemnité de départ de 30 000$ est versée à ceux qui quittent la société pour la retraite.

Les employés permanents plus âgés, près de leur retraite, ont appuyé l'entente, tandis que les plus jeunes qui auraient vu leur salaire gelé pendant cinq ans l'ont rejetée.

Ces derniers ont du mal à avaler le fait qu'ils doivent patienter sept ans après avoir obtenu leur permanence pour toucher le maximum salarial. Pour que l'année compte et que le jeune permanent change d'échelon, il doit avoir travaillé un minimum de 1500 heures dans l'année. Un travailleur permanent chez Molson gagne de 19 à 31$ l'heure. Un travailleur temporaire touche un salaire horaire de 14 à 17$. Dans les dernières années, il a pu s'écouler jusqu'à 10 ans avant qu'un travailleur temporaire n'accède à la permanence.

Les négociations se déroulent dans un climat de morosité à l'usine de la rue Notre-Dame. «On ne voit pas de (nouvelle) production arriver. On dirait que Montréal est désuet. On a peur que ça ferme Montréal et la brasserie Molson vient de Montréal», nous a confié un syndiqué sous le couvert de l'anonymat. Le porte-parole du syndicat ne s'est guère montré plus rassurant. « (Dans l'entente rejetée du 6 février), il n'y avait pas de promesse d'investissement. Il y avait simplement la promesse que la brasserie resterait ouverte et c'est déjà pas mal dans le contexte économique actuel», a dit Stéphane Lacroix.

L'usine de Montréal fonctionne au ralenti depuis la fermeture de la chaîne de production numéro 3 en 2008 à la suite de la perte du mandat de brassage de la bière Blue Moon pour le marché américain. Ça représentait le tiers de la production de l'usine montréalaise à l'époque. Cette bière est l'équivalente de la Rickard's White au Canada.

Gel des salaires pendant cinq ans

Dans l'entente qui a été rejetée le 6 février, le gel des salaires était la principale pomme de discorde. Le contrat de travail de sept ans prévoyait un gel salarial les cinq premières années. Il était toutefois prévu qu'une prime de près de 1000$ par année soit versée aux employés permanents pendant les années 2 à 5 du contrat de travail. Les employés temporaires de l'usine n'avaient droit à aucune augmentation de salaire pendant les cinq premières années. Une augmentation salariale de 1% était prévue les deux dernières années de la convention, en 2016 et 2017.

Chez Molson Coors, les avantages sociaux, comme les vacances, les assurances et le régime de retraite, sont établis en fonction du salaire et ne tiennent pas compte des primes.

Le porte-parole des Teamsters parlait dans nos pages d'une augmentation de 8% en sept ans sans préciser ces détails. L'interprétation qu'il faisait du contenu de l'entente en a fait réagir certains.

Autre sujet d'insatisfaction, les prestations de retraite ne sont plus indexées depuis 2004. Chaque année de service donne droit à une rente mensuelle de 100$. Un travailleur ayant accumulé 85 points, par exemple 60 ans d'âge et 25 années de service, aura droit à une rente mensuelle non indexée de 2500$. Les travailleurs, dont il reste 15 ans à travailler avant la retraite, s'interrogent sur ce que vaudra une rente de 2500$ par mois en 2026.

Par ailleurs, le nombre de permanents à l'usine de Montréal est appelé à diminuer. Dans l'entente rejetée du 6 février, on prévoyait le remplacement d'un employé permanent pour chaque trois départs à la retraite à partir de 2015. La direction de Molson Coors assure toutefois que le nombre d'employés (permanents et temporaires) devrait rester sensiblement le même dans un avenir prévisible.

L'usine de Montréal n'a pas connu d'arrêt de travail depuis près de 20 ans.