Chaque saison, les designers taillent de nouvelles coupes, emploient de nouvelles couleurs, ajoutent de nouveaux accessoires. Dans les prochains mois, les vêtements qui se retrouveront dans les boutiques présenteront un autre changement, qui n'a rien à voir avec la mode: un prix plus élevé.

Explosion des prix du coton, hausse des salaires dans l'industrie textile: les consommateurs peuvent s'attendre à payer un peu plus pour leurs chandails, pantalons et manteaux à pareille date l'an prochain, estiment les fabricants et les détaillants que La Presse Affaires a joints.

Le président de la chaîne de vêtements pour hommes Ernest, Martin Ernest, a déjà été forcé de hausser ses prix légèrement cette année. Et comme plusieurs de ses concurrents, il devra répéter l'opération au cours des prochains mois.

«Je ne dirais pas beaucoup plus, mais un peu plus», indique l'homme d'affaires qui dirige la bannière de 28 succursales.

La livre de coton se transigeait à 1,50$US, vendredi, en hausse de 3%. C'est à peine en dessous du sommet de 1,51$US la livre atteint en novembre. Le coût de la denrée a plus que doublé après que des inondations eurent gâché la récolte au Pakistan, quatrième producteur mondial. Au début du mois de février, la livre valait 67 cents.

Le coton est la matière première d'une large part de l'industrie du vêtement. Et ce n'est pas la seule cause de l'augmentation des prix. En Chine, par exemple, le salaire des travailleurs du textile a grimpé de 20% en deux ans, ce qui alourdit encore davantage les coûts des fabricants et des détaillants.

«Les prix en général, pas juste pour le coton, vont augmenter, c'est certain, convient Martin Ernest. En Chine, les ouvriers veulent être mieux payés. Au Pakistan et en Inde aussi. Les prix vont augmenter pour plusieurs raisons, pas seulement à cause du coton.»

Le directeur général de la Fédération canadienne du vêtement, Bob Kirke, a récemment déclaré que «l'ère du vêtement bon marché est terminée». Il y a du vrai dans cette déclaration, affirment les artisans de l'industrie joints au cours des derniers jours, mais ils doutent qu'il y ait une explosion des prix à court terme.

«C'est vrai, mais ça n'arrivera pas demain matin, souligne le directeur général de Vêtement Québec, Patrick Thomas. Tranquillement, il est certain que le consommateur va voir une hausse du prix en général.»

Les détaillants ont fait des pieds et des mains pour éviter de refiler l'augmentation des coûts de production aux consommateurs en pleine récession, souligne-t-il. Mais il s'attend à ce que les prix augmentent de 3% à 6% dans la prochaine année.

«Le vêtement, c'est l'un des produits de consommation dont le prix n'a pas augmenté depuis 10 ans parce qu'il y a beaucoup de concurrence. Quand on joue avec des gros détaillants comme H&M ou encore Wal-Mart, ce sont eux qui dictent les prix.»

Le plus important fabricant de mode masculine en Amérique du Nord, Vêtements Peerless, ne sera pas affecté par les fluctuations des cours du coton puisqu'il n'en utilise pas, affirme son vice-président, Elliot Lifson. L'homme d'affaires, qui est aussi président de la Fédération canadienne du vêtement, estime qu'il y aura bel et bien une augmentation des prix du vêtement. Mais ce sont surtout les produits bas de gamme qui seront les plus touchés.

«Si l'on parle de t-shirts à bas prix, l'impact est plus grand car les prix sont plus petits, souligne M. Lifson. Mais n'oublions pas: certains fabriquent des t-shirts et d'autres prennent ces t-shirts pour y ajouter des imprimés, ce qui augmente la valeur du produit. Dans ce cas, le prix de base du coton a moins d'effet sur le prix au détail du produit fini.»