En 15 mois à la tête de la filiale boulangerie de Saputo, Lionel Ettedgui a relooké les produits vedettes de Vachon, lancé une gamme surgelée, mais, surtout, ressuscité le gorille Igor disparu après une maladresse de marketing. Et ce n'est pas terminé!

En septembre 2009, Igor le gorille est revenu dans les supermarchés après huit mois d'absence avec de nouveaux produits à offrir, des petits gâteaux, des barres de céréales et des gourdes de compote de pommes que la filiale boulangerie de Saputo souhaite faire atterrir dans les boîtes à lunch.

Pour remettre un pied dans le marché des produits alimentaires pour enfants, l'entreprise aurait pu laisser Igor dans sa jungle et forger une autre marque. Après tout, le gorille a quitté les tablettes des épiceries dans la controverse, après une initiative de marketing menée au début de 2007 (dans les garderies et centres de la petite enfance) qui a fait sursauter quelques parents et mené au paiement d'une amende de 44 000$.

Cela dit, le gorille était trop précieux aux yeux de Lionel Ettedgui, président et chef de l'exploitation de la filiale boulangerie, pour ne pas le ressusciter. «On nous a reproché une erreur de communication, analyse-t-il. Mais l'affectif n'était pas en cause. Les consommateurs se souvenaient de la marque. Et il n'y avait pas de perception négative.

«Cela dit, on a bien assumé ce qui s'est passé à l'époque, poursuit celui qui a travaillé dans l'alimentation en Europe et en Afrique. On est vraiment une entreprise transparente. On a eu une bonne démarche. On n'a pas cherché à polémiquer.»

Saputo ne trébuchera pas cette fois. La nouvelle campagne de publicité d'Igor est notamment déclinée sur des panneaux extérieurs géants avec un gorille en 3D, mais toute la communication est dirigée vers les mères (À la rescousse des mamans). Un site internet (www.igorjungle.com) a d'ailleurs été créé pour présenter non seulement les nouveaux produits Igor, mais des idées de recettes et d'activités familiales.

Nouveau créneau

Lionel Ettedgui mène des attaques sur tous les fronts pour qu'Igor prenne des forces. Cela dit, sa vision de la filiale qu'il dirige est globale. «Je veux que Vachon (rachetée par Saputo il y a 10 ans) soit de plus en plus innovante», dit le président.

À preuve, la gamme de gâteaux surgelés mise en marché dans les Metro et les IGA, le mois dernier. Un nouveau créneau pour Saputo. «On va chercher d'autres consommateurs. Une clientèle plus nichée, le prix de vente de nos neuf produits étant légèrement plus élevé», explique Lionel Ettedgui.

Autre innovation: comme pour les gâteaux Igor, les surgelés sont importés de France et non fabriqués à l'usine de Sainte-Marie-de-Beauce. «Ça réduit le risque d'inventaire, mentionne Lionel Ettedgui. On peut ainsi faire sereinement une production industrielle. Investir dans l'outil industriel coûterait de 30 à 50 millions. Là, le risque est marginal.»

Saputo Boulangerie, qui a un chiffre d'affaires de 165 millions en 2009, vise 50 millions avec ses surgelés d'ici 3 ans.

Lionel Ettedgui concède qu'il n'a pas été la personne la plus populaire de l'entreprise de 900 employés lorsqu'il a pris la décision d'importer des produits plutôt que de les faire sur place. «Personne ne va dire qu'il a chômé», dit-il cependant.

Car l'arrivée du fondateur de Kooll Desserts (vendu à Liberté en 2007) à la direction de la filiale boulangerie de Saputo s'est aussi accompagnée de la refonte des emballages des produits vedettes de Vachon (Jos Louis, May West, Caramel) introduits en magasin en janvier 2010, de la réduction du nombre de formats de boîtes en plus du changement de signature, en collaboration avec l'agence Pigeon branding " design. Vachon est maintenant écrit en lettres attachées sur les boîtes de gâteaux. «Ça donne l'impression que le pâtissier fait lui-même le gâteau», estime Lionel Ettedgui.

Dès août, l'usine de Sainte-Marie-de-Beauce devrait aussi créer de nouveaux produits. D'ici quelques semaines, des bûches d'été Vachon, aux fraises, aux framboises, aux bleuets, peu sucrées et sans glaçage arriveront aussi en épicerie.

Vachon devrait ainsi maintenir ses parts de 75% dans le marché des petits gâteaux. Et, qui sait, en grappiller davantage. «Pour progresser, on va devoir grossir en Ontario et dans l'Ouest canadien, tout en maintenant nos parts de marché, dit Lionel Ettedgui, prêt pour d'autres innovations. C'est sûr que nous avons faim!»