Des membres du Congrès accentuent la pression sur le gouvernement Harper pour qu'il renonce à certaines des mesures visant à interdire la fabrication et la vente de cigarettes contenant du mélange américain au Canada.

Inquiets de l'impact négatif de ces mesures sur les producteurs de tabac dans leurs États, certains élus américains vont jusqu'à bloquer des nominations de l'administration démocrate de Barack Obama pour l'obliger à déposer une plainte contre le Canada auprès de l'Organisation mondiale du commerce.En effet, le sénateur républicain de Kentucky, Jim Bunning, bloque depuis des semaines la nomination du secrétaire adjoint au Commerce proposé par l'administration Obama. Et il entend poursuivre ses tactiques d'obstruction au Sénat aussi longtemps que les États-Unis n'auront pas déposé une plainte officielle auprès de l'OMC pour qu'elle évalue la validité des mesures antitabac du gouvernement canadien.

Mélange américain interdit

Le gouvernement Harper a adopté l'an dernier une loi (C-32) visant à interdire la vente de cigarettes aromatisées aux jeunes. Les règlements de cette loi - qui entrent en vigueur le 1er juillet - empêchent les entreprises d'utiliser quelque 5000 ingrédients dans la fabrication de cigarettes, dont l'ajout de mélange américain (le tabac burley).

Or, le sénateur Bunning représente un État où l'industrie du tabac est importante. Et il digère mal de voir que les producteurs de tabac de son État ne peuvent plus vendre leurs produits au Canada.

«Je fais cela parce que (l'administration Obama) ne fait absolument rien dans ce dossier», a affirmé le sénateur républicain dans une récente entrevue accordée à l'hebdomadaire Inside US Trade.

«Ils ne font rien parce qu'ils ne veulent pas offusquer le Canada. Et bien, le Parlement canadien m'a offusqué (en adoptant cette loi)», a-t-il ajouté.

Pour leur part, deux membres de la Chambre des représentants, Baron Hill et Brad Ellsworth, ont envoyé récemment une lettre au premier ministre Stephen Harper et à l'ambassadeur du Canada aux États-Unis les exhortant à amender la loi canadienne.

Dans cette lettre, datée du 4 février et obtenue par La Presse, les deux élus démocrates affirment que le gouvernement canadien «va trop loin» et que la loi adoptée risque de «détruire les producteurs de burley dans nos États». Le burley est utilisé aux États-Unis dans la production de cigarettes pour réduire le goût amer du tabac. Il est produit dans plusieurs États américains, dont la Virginie, le Kentucky, l'Indiana, l'Ohio et l'ouest de la Caroline-du-Nord.

Les élus démocrates affirment que d'autres pays comme la France et l'Australie ont aussi adopté des mesures pour lutter contre le tabagisme chez les jeunes, mais ces pays ont imposé des restrictions sur la saveur des produits vendus et non pas sur les ingrédients ajoutés, comme c'est le cas au Canada.

Cette loi canadienne a aussi été dénoncée par d'autres pays comme le Mexique, l'Argentine, le Malawi et la Grèce qui la jugent trop rigide, voire protectionniste. Récemment, le Mexique et l'Argentine ont exprimé leurs inquiétudes des retombées de la loi canadienne au cours d'une réunion d'un comité de l'OMC étudiant les barrières au commerce.

En janvier, deux autres membres de la Chambre des représentants, Rick Boucher et Tom Periello, ont aussi envoyé une lettre au premier ministre Harper l'exhortant à faire marche arrière dans ce dossier. Dans cette lettre, datée du 25 janvier et également obtenue par La Presse, les deux démocrates affirment que les règlements de cette loi vont à l'encontre des nombreux plaidoyers faits par le gouvernement Harper en faveur de la libéralisation des échanges à l'échelle mondiale.

Selon des informations obtenues par La Presse, certains ministres du gouvernement Harper s'inquiètent des conséquences de cette loi sur les relations canado-américaines.

Les membres du Congrès accentuent la pression sur le gouvernement canadien dans ce dossier au moment même où d'autres élus démocrates et républicains agitent à nouveau l'épouvantail du protectionnisme.

En effet, il y a deux semaines, un démocrate du Mississippi, Gene Taylor, a déposé un projet de loi obligeant le président Obama à entreprendre les démarches pour que les États-Unis se retirent de l'Accord de libre-échange nord-américain. En tout, une trentaine d'élus de la Chambre des représentants appuient ce projet de loi.

Le ministre du Commerce international, Peter Van Loan, a réagi la semaine dernière en disant que ce projet de loi est voué à l'échec compte tenu des engagements du président en faveur de la libéralisation des échanges.