L'histoire d'une des réussites commerciales les plus vertes du continent commence avec un plant de marijuana poussant dans le fond d'un placard rue Saint-Hubert à Montréal.

Un plant de mari en pleine santé, nourri grâce au compost de trois étudiants de McGill, amis de Tom Szaky, président et fondateur de TerraCycle.

«Nous habitions ensemble à Toronto quand j'ai été accepté à Princeton et que mes amis de leur côté s'en allaient à McGill, raconte M. Szaky. On avait ce plant de mari et on a jugé que c'était plus sage pour moi de ne pas traverser la frontière avec. Quand je l'ai revu à Montréal pendant l'automne, il était en pleine forme et j'ai demandé quel était le secret. Mon ami m'a montré son bac de vermicompostage, un bac où des vers digèrent les restes de table.»

De retour à Princeton, M. Szaky commence à récupérer les restes de la cafétéria universitaire. Son projet: vendre de l'engrais liquide pour plantes dans des bouteilles de boissons gazeuses recyclées. Une manière de détourner des tonnes de déchets qui, autrement, auraient été enfouies, tout en faisant du profit avec des matières premières gratuites.

Après quelques années à tenir son entreprise à bout de bras, Tom Skazy voit arriver les premières grosses commandes de Wal-Mart et Home Depot. C'était en 2004. Aujourd'hui, TerraCycle emploie une centaine de personnes et prévoit des ventes de 17 millions US.

TerraCycle a appliqué sa recette à base d'emballage recyclé à d'autres produits. Maintenant, elle fabrique des sacs à dos, étuis à crayons et sacs à lunch en emballage à jus, et même des cerfs-volants en emballage de biscuits Oreo. «Ce sont des matériaux formidables, dit M. Szaky. Ils sont très résistants.»

Ces emballages sont récupérés par des «brigades», souvent des écoliers. TerraCycle remet un chèque à leur école pour des projets.

L'an dernier, 25 000 écoles américaines ont participé à la récupération d'emballage à jus. «Nous recevons chaque semaine 2 millions de poches de jus et nous envoyons chaque mois 100 000$ en don aux écoles», dit M. Szaky.

En cours de route, l'entreprise dit avoir inventé un nouveau créneau: le déchet commandité. En effet, les produits de TerraCycle se transforment en publicité pour les marques, à tel point que les grandes entreprises financent désormais une partie des opérations de TerraCycle.

Depuis ses débuts, TerraCycle a profité d'une couverture médiatique phénoménale. Avant même d'avoir reçu sa première grosse commande, l'entreprise a fait l'objet d'un reportage à CBS et d'un documentaire d'une heure à la CBC. Au fil des ans, le Wall Street Journal en a parlé sept fois et presque toutes les chaînes de nouvelles financières ont fait un topo à son sujet.

TerraCycle n'a jamais dépensé un sou de publicité, ni embauché de firme externe de relations publiques.

Cette année, l'entreprise s'installe au Canada et la stratégie est la même: faire parler d'elle dans les journaux pour que les parents, les professeurs et un jour les enfants fassent appel à ses services pour les aider à recycler.

Une première école québécoise a déjà fait appel à ses services, la Port Daniel School à Shigawake, en Gaspésie. «On fait déjà beaucoup de récupération et de compostage et on cherchait quelque chose à faire avec des sacs de jus, explique la directrice Sandy Bélanger. On remarquait que la poubelle en était pleine.»

Mme Bélanger a trouvé TerraCycle en faisant des recherches sur le web. «C'est sûr qu'on va montrer aux enfants à quoi ça sert, dit-elle. On va peut-être se servir des profits pour acheter un produit TerraCycle et le faire tirer au sort. C'est vrai que ça leur fait de la publicité, mais ce ne sont pas de mauvais produits.»

TerraCycle se défend de faire de la publicité destinée aux enfants. «Au Canada, on a un programme avec Kraft pour récupérer les poches de boisson KoolAid, mais on peut se servir du programme pour n'importe quelle marque utilisant le même type de contenant, dit M. Szaky. Vous ne verrez jamais un professeur dire aux enfants qu'il faut acheter telle ou telle marque. L'important, ce n'est pas la marque, c'est le recyclage.»

Cependant, dans son livre Revolution in a Bottle, M. Szaky explique clairement quel rôle central les enfants jouent dans le succès de son entreprise. Il prend l'exemple fictif de Suzy, 10 ans, qui se soucie de l'environnement. Et de sa maman qui s'engage à mieux recycler. Et de son professeur, qui a lu dans le journal local qu'il existe une entreprise capable de recycler ces sacs de jus CapriSun qui remplissent les poubelles de la cafétéria scolaire. À la fin, Suzy est chez Wal-Mart avec sa maman et elle achète avec enthousiasme un étui à crayons CapriSun.