Le contexte actuel difficile dans le secteur forestier continue d'affecter la papetière SFK Pâte (T.SFK.UN).

Le jour même où SFK Pâte confirmait d'abord qu'elle n'allait pas respecter l'un des engagements de sa convention de crédit avant de finalement annoncer avoir obtenu une dispense temporaire de deux semaines, l'entreprise s'en est pris à l'«inaction» des gouvernements.

En date de mardi, SFK ne respectera plus le ratio de couverture des intérêts prévu à sa convention de crédit, qui est actuellement de 2:1. L'entreprise québécoise a indiqué lundi qu'elle discutait actuellement avec ses prêteurs afin de négocier un amendement à la convention et qu'elle était «raisonnablement confiante de pouvoir parvenir à une entente satisfaisante avec ceux-ci dans un avenir rapproché».

SFK Pâte a subtilement laissé entendre qu'elle n'en serait peut-être pas là si les gouvernements étaient venus à sa rescousse.

«Au Canada, à l'opposé de ce qu'on a vu aux États-Unis (...), nous avons reçu très peu d'aide de la part des deux ordres de gouvernement», a déploré le président du conseil d'administration du producteur de pâte à papier, Hubert Lacroix, à l'occasion de l'assemblée annuelle des porteurs de parts, à Montréal. M. Lacroix est aussi président-directeur général de la CBC/Radio-Canada.

Depuis plusieurs mois, SFK Pâte fait pression sur Québec pour obtenir une «aide à court terme», à l'image des prêts que le gouvernement a consentis à Rio Tinto Alcan et à Bombardier Produits Récréatifs (BRP).

Or, après de longs pourparlers, Québec a rejeté la demande de SFK. Selon le président et chef de la direction de l'entreprise, Pierre Gabriel Côté, le gouvernement a exprimé des «craintes» quant au «risque» que représente actuellement le secteur des pâtes et papiers.

«Nous n'avons pas réussi à convaincre le gouvernement que nous étions différents du reste de l'industrie, a admis M. Côté. Le précédent (qu'une aide à SFK) aurait créé aurait probablement été difficile à porter pour le gouvernement.»

La direction de SFK reprendra ses efforts auprès du nouveau ministre du Développement économique, Clément Gignac, et de la nouvelle titulaire des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, dans l'espoir d'obtenir une réponse différente.

Il reste qu'en vertu de l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux, le Canada et les États-Unis ne peuvent pas venir en aide directement aux entreprises du secteur forestier.

Liqueur noire

Cela n'a toutefois pas empêché Washington de donner un coup de pouce indirect aux producteurs américains en leur accordant un généreux crédit d'impôt pour l'utilisation comme combustible de la «liqueur noire», un résidu découlant de la fabrication de pâte kraft.

Cette aide, contestée par le Canada, l'Union européenne et d'autres pays, procurerait un avantage concurrentiel de 200$ la tonne aux producteurs américains. Elle permet à la pâte provenant de fibres vierges de devenir très concurrentielle face à la pâte issue de journaux recyclés, ce qui nuit aux deux usines américaines de SFK.

En réplique, Ottawa a récemment annoncé la mise sur pied d'un programme d'un milliard de dollars qui doit aider les producteurs de pâtes et papiers à améliorer leur efficacité énergétique et leur performance environnementale.

«C'est intéressant, mais ça ne répond pas aux problèmes de l'industrie et ça ne procure aucune aide immédiate», a affirmé Hubert Lacroix, qui a tenu à tracer un parallèle avec le généreux plan de sauvetage consenti par les gouvernements à l'industrie automobile.

Même si elle est en meilleure santé financière que la plupart des autres joueurs de son secteur, SFK Pâte souffre de la baisse de la demande pour le papier. Au premier trimestre de 2009, terminé le 31 mars, ses ventes ont plongé de plus de 40%, ce qui a conduit à une importante perte d'exploitation et à de nombreux arrêts de production.

«En dépit du contexte actuel, SFK survivra», a néanmoins promis M. Lacroix.

L'entreprise a bon espoir de conclure de nouveaux contrats d'approvisionnement en copeaux de bois auprès d'AbitibiBowater et de fournisseurs qui possédaient, jusqu'à tout récemment, des ententes avec le géant en cours de restructuration judiciaire. La résiliation du contrat conclu avec AbitibiBowater a donné un coup dur à SFK, mais l'approvisionnement à court terme ne pose pas de problème, a assuré M. Côté.

L'entreprise entrevoit la reprise dès la fin de l'année, à la faveur d'une recrudescence de la demande chinoise et d'une augmentation des prix de la pâte.

SFK a par ailleurs annoncé lundi qu'elle allait devoir enregistrer une provision de 2,8 millions US au deuxième trimestre, soit le montant que lui devait Papiers Fraser, actuellement en restructuration judiciaire.

SFK Pâte exploite des usines à Saint-Félicien, Fairmont (Virginie occidentale) et Menominee (Michigan).

En milieu d'après-midi, les parts de SFK s'échangeaient à 21 cents, en baisse de 1,5 cent, à la Bourse de Toronto.