Depuis l'entrée du Canada en récession cet automne, la rentabilité de ses manufacturiers s'est maintenue tandis que celle de leurs concurrents américains s'est affaissée.

Le grand responsable de la résilience canadienne, c'est le huard. Avec sa dépréciation trimestrielle record de 14,1% d'octobre à décembre, il a fourni un solide avantage aux exportateurs canadiens qui souffrent néanmoins de la diminution de leurs clientèles.

 

«Pour les manufacturiers exportateurs canadiens, la brusque dépréciation du dollar canadien au dernier trimestre de 2008 a en bonne partie contrecarré la chute des cours mondiaux des biens manufacturés», écrit Marc Pinsonneault, économiste principal à la Financière Banque Nationale dans la dernière livraison de L'Hebdo économique.

Le huard a tellement bien joué son rôle de bouclier que la marge bénéficiaire des fabricants, c'est-à-dire, leur bénéfice avant impôts, intérêts et postes extraordinaires en pourcentage des ventes, s'est maintenue, malgré l'effondrement de la demande dans plusieurs secteurs comme l'automobile ou les métaux transformés.

En revanche, celle des manufacturiers américains est passée de 7,5% à 3,6%. Au bout du compte, la rentabilité canadienne à hauteur de 5,6% est plus élevée que l'américaine. C'est la première fois depuis 2003 alors que le huard avait amorcé sa rapide ascension jusqu'au-delà de la parité avec le billet vert à l'automne 2007.

Cette forte poussée avait écorné la compétitivité et la rentabilité des fabricants canadiens et entraîné des centaines de milliers de licenciements.

Aujourd'hui, le problème se pose différemment. Les entreprises américaines subissent les affres de la récession sans bouclier. Plusieurs ferment.

«Il y a de belles opportunités maintenant pour les entreprises canadiennes, juge Jean-Michel Laurin, vice-président, affaires mondiales chez les Manufacturiers exportateurs du Canada (MEC). La valeur du huard et la bonne posture de notre système financier jouent en notre faveur.»

«C'a donne un p'tit coup de pouce, mais c'est pas suffisant pour nous immuniser contre le ralentissement économique», renchérit Simon Prévots, vice-président Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

La chute de la demande américaine et l'accès toujours limité au crédit posent problème.

Certes les banques prêtent plus, mais elles détenaient moins de la moitié du marché du prêt commercial avant la crise actuelle. Elles ne comblent pas tout le vide. Les MEC travaillent d'ailleurs de concert avec la Banque de développement du Canada et Exportations et développement Canada pour établir des ponts entre ces deux sociétés d'État, les institutions prêteuses et les exportateurs.

«On peut s'attendre à une amélioration de la situation vers la fin de 2009», poursuit M. Laurin.

La rentabilité accrue s'explique par le fait que les exportateurs produisent en dollars canadiens et vendent en dollars américains la plupart de leurs biens parce que c'est en dollars américains qu'on fixe le prix du papier, du bois d'oeuvre, d'un lingot d'aluminium, d'une voiture ou d'un gaz liquéfié.

Les prix des biens manufacturés aux États-Unis ont diminué de 7,4%, mais de 3,2% seulement au Canada. Cela est très important, si on considère que la moitié de la production canadienne en usines traverse la frontière, rappelle M. Pinsonneault.

Si le taux de change varie peu d'ici la fin de l'année, alors «l'écart favorable aux manufacturiers canadiens devrait pour l'essentiel s'être maintenu au premier trimestre 2009», prédit-il.

 

VARIATION DES MARGES BÉNÉFICIAIRES DE CERTAINS MANUFACTURIERS

Canada /États-Unis /Différence

Aliments 0,1%/ -0,1% /0,2%

Produits pharmaceutiques et médicaments 0%/ -0,6% /0,7%

Première transformation des métaux 0,3% /-0,4% /0,7%

Textiles, vêtements et produits du cuir 0%/-0,2% /0,2%

Produits du bois 0,2% /-0,1%/0,3%

Papier 0,1%/0% /0,1%

Autos et pièces -1%/ -0,7% /-0,3%

Autre matériel de transport 0% /-0,1%/ 0,2%

Total du secteur manufacturier 0,1% /-3,2% /3,3%

Sources: Statistique Canada, U.S. Bureau of Census, Financière Banque Nationale

 

Recul des coûts unitaires de main-d'oeuvre

Une autre façon de mesurer l'avantage que la dépréciation du huard apporte aux exportateurs canadiens, c'est la comparaison des coûts unitaires de main-d'oeuvre (CUM) exprimés en dollars américains. Selon Statistique Canada, ils ont reculé de 12,7% du troisième au quatrième trimestre de 2008. Ils ont pourtant augmenté de 1,6% si on les exprime en dollars canadiens. Exprimés en dollars américains, les CUM aux États-Unis ont augmenté de 1,3% seulement.