Le constructeur allemand Daimler (dai) peut pousser un soupir de soulagement: en pleine crise, l'arrivée d'un fonds d'Abou Dhabi à son capital lui apporte de l'argent frais et le protège davantage d'un rachat hostile, estiment lundi des analystes.

Le fonds Aabar, contrôlé par IPIC, propriété du plus riche des Émirats arabes unis, a apporté 1,95 milliard d'euros (3,25 milliards de dollars CA) au propriétaire des voitures Mercedes-Benz et leader mondial des poids-lourds. En échange, il deviendra le premier actionnaire de Daimler, avec 9,1% du capital, devant le Koweït (6,9%).

«C'est un signal clair aux marchés que des investisseurs sont convaincus» de notre stratégie, s'est félicité lundi le patron de Daimler, Dieter Zetsche, au cours d'une conférence de presse commune à Stuttgart (sud-ouest), siège du constructeur.

Pour l'Allemand, l'intérêt est triple: «Nous gagnons un actionnaire de long-terme, nous renforçons notre solidité financière (...) et nous gagnons un partenaire fort» pour avancer sur des modèles propres, notamment les voitures électriques.

Abou Dhabi, de son côté, cherche à diversifier ses investissements au-delà du secteur énergétique. En Allemagne, l'émirat n'en est pas à son coup d'essai: il avait déjà approché Volkswagen il y a quelques années et IPIC a récemment racheté 70% de la filiale de services industriels de MAN.

«Je suis très positif vis-à-vis de l'industrie allemande. Quand on parle de l'Allemagne dans le Golfe, on parle de technologies, de bon management...», a expliqué Khadem Al Qubaisi, président d'Aabar, qui s'est dit amateur de Mercedes.

Pour apaiser les réserves souvent émises face aux fonds, le patron émirati a insisté: «nous sommes un investisseur de long terme, pas seulement un investisseur financier». Le porte-parole de la chancellerie Ulrich Wilhelm a d'ailleurs salué un «signal positif» pour la valeur du secteur automobile en Allemagne.

Et les analystes interrogés par l'AFP étaient unanimes: «étape juste et importante» pour Daimler qui en avait grandement besoin, selon le professeur Stefan Bratzel, «très positif» selon l'analyste de Nord LB Frank Schwope, «un beau et bon soutien» selon Christoph Stürmer de IHS Global Insight.

Mais, après avoir bondi de plus de 7% en début de séance, le titre, coté à la Bourse de Francfort, ne gagnait plus de 0,16% à 29,65 euros, sur un indice Dax en hausse de 1% à 12H55 GMT.

Comme ses concurrents, Daimler a vu ses ventes s'effondrer depuis l'automne, encaissant une perte de plus d'un milliard d'euros au dernier trimestre 2008. Pour 2009, il a déjà prédit une baisse de ses ventes.

Surtout, il ne dispose pas de grand actionnaire disposé à le soutenir comme la famille Quandt chez BMW, avec plus de trois quarts du capital flottant.  «C'est le seul constructeur européen qu'on pouvait racheter. Tous sont protégés, sauf lui», rappelle Frank Schwope.

D'autant que le cours de Daimler a perdu près de 60% de sa valeur en un an. C'était donc «le meilleur moment d'acheter», selon le président d'Aabar.

Désormais, «avec deux grands actionnaires, cela donne un peu de sécurité», selon l'analyste de Nord LB. «Il s'agit d'un fonds qui est plutôt orienté sur le long terme, il n'y a donc pas d'effets négatifs à en attendre», ajoute le professeur Bratzel.

Mais cette bouffée d'oxygène ne signifie pas que «Daimler est sauvé», tempère Christoph Stürmer. «Près de 2 milliards d'euros, cela semble beaucoup. C'est seulement un peu plus que le coût d'une nouvelle série» de voitures, selon lui.

Et Daimler détient toujours 19,9% de son ancienne filiale américaine Chrysler. En cas de faillite, il pourrait encore perdre plusieurs milliards d'euros, rappelle M. Bratzel.