Le fabricant de matériaux de construction Canam (T.CAM) a réussi à maintenir ses profits au quatrième trimestre malgré un recul de 5% de son chiffre d'affaires.

Fortement échaudé lors des précédentes récessions, le Groupe Canam assure qu'il est plus prêt que jamais à affronter la crise actuelle.

En boutade, jeudi, le président et chef de la direction du fabricant de gros matériaux de construction, Marcel Dutil, a même lancé, au cours d'une téléconférence avec les analystes, qu'il «était temps» que la récession arrive.

«Ce sera la quatrième pour moi, a-t-il souligné. J'ai eu besoin de trois (récessions) pour apprendre. Depuis 2003, nous travaillons en vue de la prochaine. Nous sommes en plein dedans maintenant et nous en profiterons pour la première fois en 46 ans.»

Il faut tout de même gérer la décroissance: Canam a réduit la durée de la semaine de travail dans certaines de ses usines et mis des employés à pied, en plus de limiter les embauches et geler les salaires de ses hauts dirigeants en 2009.

Mais contrairement aux dernières récessions, Canam est beaucoup moins endetté, ce qui fait en sorte que ses coûts financiers sont moindres et qu'il a les moyens d'effectuer des acquisitions pour relancer sa croissance. En prime, les sommes que l'entreprise devra débourser seront moins élevées qu'au cours des dernières années puisque les firmes privées d'investissement ont disparu du marché à cause de la crise du crédit.

Canam s'attend aussi à bénéficier de sa décision de concentrer sa présence américaine dans les projets complexes, où les marges de profit sont plus fortes.

<b>Résultats</b>

Au cours du quatrième trimestre, terminé le 31 décembre, l'entreprise de Saint-Georges, en Beauce, a réussi à maintenir ses profits malgré un recul de cinq% de son chiffre d'affaires.

Pour la période, Canam a déclaré un bénéfice net de 13,7 millions de dollars (29 cents par action), le même qu'il y a un an (qui équivalait alors à 28 cents par action).

Happées par le ralentissement économique, les ventes de Canam se sont élevées à 239,6 millions, en baisse de 12,6 millions par rapport au trimestre correspondant de l'année dernière.

Pour l'ensemble de l'exercice, les profits nets ont atteint 48,4 millions (1 $ par action), en légère hausse par rapport aux 47,5 millions (97 cents par action) dégagés en 2007. Les revenus annuels se sont établis à 833,7 millions, en baisse de 36,8 millions ou 4,2%.

Au 31 décembre, le carnet de commandes de l'entreprise se chiffrait à 313 millions, alors qu'il totalisait 340 millions à la fin du troisième trimestre.

<b>Infrastructures</b>

Le président et chef de l'exploitation de l'entreprise, Marc Dutil, ne s'attend pas à faire les frais de la fameuse clause «Buy American» du plan de relance de 787 milliards $ US aux États-Unis, puisque Canam est considéré comme une société américaine au sud de la frontière.

Le dirigeant ne prévoit pas, non plus, profiter abondamment des investissements massifs dans les infrastructures promis tant au Canada qu'aux États-Unis, du moins à moyen terme.

«Il faudra attendre entre 12 et 18 mois avant que les entrepreneurs commencent à passer leurs commandes», a-t-il fait remarquer.

Par contre, le secteur des ponts, en effervescence depuis l'effondrement du viaduc de la Concorde, en 2006, poursuivra sa croissance au cours des trois prochaines années, a estimé Marc Dutil. Ce segment de marché prend de plus en plus de place dans le carnet de commandes de Canam.

Tout compte fait, l'analyste Benoit Caron, de la Financière Banque Nationale, prévoit pour l'exercice 2009 une chute de 25 à 30% des profits et de 50 à 60 millions du chiffre d'affaires de Canam. Mais l'entreprise aura pratiquement éliminé sa dette cet été.

«Dans les deux dernières récessions (1981 et 1991), la compagnie est entrée dans la récession avec un niveau d'endettement beaucoup trop élevé compte tenu que c'est une industrie cyclique, a relevé M. Caron. Cette fois-ci, pour la première fois de son existence, Canam arrive dans la récession et au premier signe de sang dans l'eau, au lieu de nager vers la plage, ils vont aller nager avec les requins. Canam est en meilleure situation financière que les géants de l'industrie.»

Alors que le plongeon des cours des métaux nuit grandement aux aciéries comme ArcelorMittal et aux alumineries comme Rio Tinto Alcan, des transformateurs comme Canam en profitent largement. «Ils sont morts de rire», a glissé l'analyste.

Selon lui, l'action s'échange à la moitié de la valeur de l'entreprise aux livres, alors que son actif est propre.

«Lors des récessions précédentes, le titre de Canam se corrigeait au fur et à mesure alors que cette fois-ci, il a complètement télégraphié la récession», a noté Benoit Caron.

En début d'après-midi, l'action de Canam s'échangeait à 4,80 $, en hausse de 1,5%, à la Bourse de Toronto.

Canam exploite 12 usines au Canada et aux États-Unis et emploie plus de 3000 personnes.