On sait que le baril de pétrole se négocie en Bourse. On est moins au courant que des blocs de 40 livres de cheddar sont aussi échangés sur le marché boursier. Un marché en forte baisse ces derniers mois, ce qui fait fondre le bénéfice de Saputo(T.SAP).

La mise en parallèle de deux données est révélatrice. D'un côté, les revenus du fromager canadien ont progressé de 18,8% l'automne dernier par rapport à la même période de 2007. Son bénéfice, lui, a glissé de 29,5%, à 57,8 millions.

Plus de la moitié de la baisse du bénéfice est causée par la chute brutale du prix du fromage. Comme l'écrit l'entreprise, les résultats «comprennent une réduction de valeur des stocks de 12,9 millions découlant d'une forte baisse du prix moyen du bloc par livre de fromage à la fin de ce trimestre ainsi que de la faiblesse des prix de vente à l'échelle internationale».

Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'oeil à la courbe du prix des 40 livres de cheddar à la Bourse de Chicago. À partir de la mi-décembre, le cours s'est effondré, passant de 1,80 $US la livre à un creux de 1,04 $US le 7 janvier. Un plongeon de plus de 40% en quelques semaines.

Le trimestre s'est terminé le 31 décembre. Saputo n'a donc pas eu à vivre avec des prix très déprimés sur une longue période. N'empêche, le prix moyen du bloc de fromage a glissé de 20 cents US par rapport à 2007, passant de 1,99 $US à 1,79 $US la livre.

À ces prix déprimés s'ajoutent une charge de 7,4 millions liée à la fermeture d'une usine au Vermont. Résultat: le bénéfice a reculé de 24,2 millions. Il faut dire que l'an dernier, Saputo avait bénéficié d'une réduction d'impôt non récurrente de 6,5 millions.

Une hausse des prix?

La question que les actionnaires peuvent se poser : à quel moment le prix du fromage remontera-t-il à Chicago? Réponse du grand patron, Lino Saputo Jr en appel conférence avec les analystes hier après-midi: «Je ne pense pas qu'ils vont descendre plus bas que leur plancher (de 1,04 $US la livre)».

En fait, a-t-il ajouté, l'industrie s'attend à un prix moyen de 1,35 $US pour 2009. C'est donc dire que les prix devraient être plus élevés en deuxième moitié d'année, mais ne devraient «pas remonter aussi vite qu'ils ont descendu», a-t-il dit.

«Nous ne nous attendons pas à une reprise significative (des prix des produits laitiers) au cours des six prochains mois», a écrit l'analyste Michael Van Aelst, de TD Newscrest avant la publication des résultats. Il n'était pas disponible après l'appel conférence.

M. Van Aelst mentionne les produits laitiers, au pluriel, car le prix du petit lait, qui sert à la fabrication de poudre de lactosérum notamment, est lui aussi déprimé à Chicago.

En Bourse, les actionnaires sentent l'effet de ces prix moins élevés. Le titre de Saputo a perdu plus de 15% depuis le début de l'année. Hier seulement, l'action a reculé de 85 cents, soit plus de 4%, et fini la séance à 18,75$ à Toronto.

Si on recule plus loin dans le temps, depuis son sommet annuel d'avril dernier, le titre est en recul de 37,2%.

Par action, le bénéfice trimestriel incluant les éléments exceptionnels s'est élevé à 28 cents, contre 39 cents l'an dernier. M. Saputo a souligné qu'il était prêt à prendre «des décisions difficiles pour comprimer les coûts».

Au Canada

En ce qui a trait au volume, les ventes au Canada ont diminué pendant le trimestre, ont reconnu hier les dirigeants du fromager. Des produits comme la mozzarella industrielle ont moins trouvé preneur dans les pizzerias et autres restaurants forts sur le gratin.

Par contre, les ventes de fromages fins, dont les marges sont plus élevées, sont en hausse. Saputo a d'ailleurs récemment entrepris un important agrandissement de sa fromagerie Alexis-de-Portneuf, à Saint-Raymond, où l'on fabrique des fromages fins.