Les États-Unis restent ouverts au dialogue avec la Chine pour résoudre leur conflit commercial, a assuré mardi un conseiller économique de la Maison-Blanche, au lendemain de l'annonce de nouvelles menaces de taxes douanières sur 200 milliards de dollars d'importations chinoises.

«Nos lignes de téléphone sont ouvertes. Elles ont toujours été ouvertes», a déclaré Peter Navarro lors d'une conférence téléphonique, estimant que les États-Unis étaient le pays le plus ouvert au monde.

Pour autant, il a justifié les mesures prises ces derniers jours par le président américain Donald Trump pour obliger la Chine à rééquilibrer ses échanges commerciaux avec les États-Unis.

Peter Navarro, réputé pour son intransigeance envers Pékin, a repris des propos martelés depuis des mois par le président américain: les États-Unis ne sauraient tolérer plus longtemps des pratiques commerciales jugées «déloyales» et ils doivent défendre «les joyaux de la technologie et de la propriété intellectuelle américaines».

Il a expliqué que les nouvelles taxes de 25% annoncées vendredi sur 50 milliards de dollars d'importations chinoises étaient la conséquence de discussions entre les deux pays qui n'ont pas donné les fruits escomptés.

«Il n'y a eu aucun progrès en dépit des efforts du Président et de son équipe», a-t-il également commenté tout en assurant que les relations entre Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping étaient toujours très bonnes.

Peter Navarro a en outre estimé que «la Chine avait plus à perdre que les États-Unis» et que l'impact sur les consommateurs américains des taxes douanières réciproques serait limité.

Les nouvelles taxes américaines dévoilées vendredi doivent compenser «le vol de la propriété intellectuelle et de technologies américaines». Elles devraient toutefois épargner des produits populaires comme les téléphones portables ou les télévisions, avait expliqué vendredi l'administration américaine.

Peter Navarro n'a pas été en mesure de dire s'il y aurait une exemption sur les iPhone.

Il a en revanche précisé que les menaces de taxes de 10% sur 200 milliards de dollars d'importations supplémentaires entraient également dans le cadre des compensations voulues pour le transfert forcé des technologies et de la propriété intellectuelle américaines.

«Ces pratiques de pression extrême et de chantage s'écartent du consensus auquel les deux parties sont parvenues à maintes reprises durant leurs consultations» ces dernières semaines, a dénoncé mardi le ministère chinois du Commerce.

«Si les États-Unis (...) publient une liste (de produits visés), la Chine se verra dans l'obligation d'adopter une combinaison de mesures quantitatives et qualitatives en forme de représailles énergiques», a-t-il mis en garde.

Politique commerciale de Trump: forces et faiblesses

La politique commerciale résolument protectionniste des États-Unis, promesse électorale de Donald Trump, comporte de nombreux risques économiques et diplomatiques. Quelles sont les forces et les faiblesses d'une telle offensive?

Pourquoi cette politique est-elle mise en place?

Pendant sa campagne, le milliardaire républicain avait promis de faire passer «l'Amérique d'abord» et de dénoncer les accords commerciaux qu'il juge calamiteux et responsables de la destruction de milliers d'emplois américains. À l'approche des élections de mi-mandat le 6 novembre, Donald Trump pourrait avoir envie de démontrer à ses partisans et ses électeurs qu'il tient ses promesses.

«L'action de Donald Trump n'est pas gênée par l'Establishment. Il continue de déconcerter les dirigeants étrangers, mais si on revient sur ce qu'il a dit au cours de sa campagne et bien des années auparavant, aucune de ces mesures n'est surprenante, il fait précisément ce qu'il a dit qu'il ferait», note Edward Alden, expert en commerce international au Council on Foreign Relations.

Quelles sont ses forces?

Les États-Unis accusent un déficit commercial, avec la Chine en particulier (plus de 375 milliards de dollars de déficit dans les échanges de marchandises avec Pékin en 2017).

Ils sont donc en mesure de taxer davantage de biens importés que ne peut le faire Pékin sur les produits américains entrant en Chine.

En 2017, Washington a exporté 130,4 milliards de dollars de marchandises vers le géant asiatique quand ce dernier a exporté 505,6 milliards de biens vers son partenaire américain.

«La Chine a bien plus à perdre», a ainsi résumé mardi Peter Navarro, un conseiller économique de la Maison-Blanche.

Quelles sont les inconnues?

En annonçant des taxes douanières sur 50 milliards de dollars d'importations chinoises et en menaçant de nouvelles taxes sur potentiellement 400 milliards de dollars supplémentaires, Donald Trump teste une stratégie jusqu'au-boutiste inédite aux conséquences inconnues.

«Cela va être très difficile pour les deux parties de trouver un moyen de faire marche arrière et de diminuer ces tensions sans perdre la face», observe Eswar Prasad, spécialiste de la Chine et professeur de politique commerciale à l'Université de Cornell, relevant la «rhétorique irrésistiblement hostile».

Il estime toutefois qu'il y a toujours «un espoir» que les deux premières puissances économiques du monde «s'éloignent du précipice d'une guerre commerciale» étant donné le potentiel impact économique.

«Nos lignes de téléphone sont ouvertes. Elles ont toujours été ouvertes», a d'ailleurs déclaré Peter Navarro.

Quels sont les risques économiques ?

Les taxes douanières des États-Unis de 25% sur 50 milliards de dollars d'importations chinoises et de 10% sur 200 milliards d'importations supplémentaires et les mesures de représailles du même acabit de Pékin pourrait réduire la croissance du Produit intérieur brut (PIB) de la Chine d'environ 0,3 point de pourcentage et celle des États-Unis d'environ 0,2 point de pourcentage, selon des estimations d'Oxford Economics.

«Il va être difficile pour les États-Unis d'identifier 200 milliards de dollars d'importations chinoises pour les soumettre à ces tarifs sans que cela ne pénalise les entreprises américaines et/ou les consommateurs», commente Louis Kuijs, chef économiste en Asie pour Oxford Economics.

L'hostilité commerciale grandissante entre Washington et Pékin crée aussi de grandes incertitudes sur les marchés financiers et certains milieux industriels.

Quel soutien ?

Du monde des affaires en passant par les agriculteurs et les élus américains, la politique commerciale de Donald Trump suscite interrogations, critiques et inquiétudes jusque dans le camp même des républicains.

L'élu Kevin Brady, à la tête d'une des plus puissantes commissions parlementaires au Congrès, s'est ainsi dit «inquiet» de l'impact négatif sur «les industriels, les agriculteurs, les travailleurs et les consommateurs américains».

Quels risques diplomatiques ?

Dans sa quête d'une dénucléarisation de la Corée du Nord, Donald Trump a besoin du soutien de la Chine.

«Il souhaite avoir une relation personnelle avec le Président de la Corée du Nord (Kim Jong-un). Il a annoncé qu'il avait bien progressé sur ce plan. Et je pense qu'il estime ne pas avoir besoin de la Chine à ce stade», analyse Edward Alden.

Pour autant mardi, le dirigeant nord-coréen s'est rendu en Chine, pour la 3e fois depuis mars. Il a évoqué avec son homologue chinois Xi Jinping son sommet historique avec le président Trump de la semaine dernière, illustrant les efforts de la Chine pour jouer «un rôle constructif» dans le dossier nucléaire.