Toute possibilité de parvenir à une entente rapide dans la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a été sabotée par la décision du président des États-Unis de mettre fin à l'exemption de tarifs accordée jusque-là aux importations d'acier et d'aluminium en provenance du Canada et du Mexique, estiment des sources gouvernementales canadiennes.

Un haut fonctionnaire canadien juge que les chances qu'une nouvelle mouture de l'ALENA voie le jour viennent de s'effondrer.

Pendant ce temps, le président américain, Donald Trump, a ressuscité une idée qu'il avait déjà avancée auparavant: celle de négocier des accords commerciaux distincts avec le Canada et le Mexique si la modernisation du traité tripartite échoue.

Mais au lendemain de l'imposition de tarifs douaniers de 25 % sur l'acier et de 10 % sur l'aluminium au nom de la sécurité nationale, la suggestion ne fera sûrement pas mouche.

Alors que les négociateurs mexicains doivent retourner à Washington la semaine prochaine pour reprendre les discussions sur le secteur automobile, des responsables canadiens signalent que la phase intensive des pourparlers est révolue. Le dialogue se poursuivra, mais sans l'urgence qu'on lui connaissait dans les dernières semaines. Cet empressement ne se fera d'ailleurs probablement pas sentir avant l'élection présidentielle du 1er juillet au Mexique.

Même après ce vote, les chances de parvenir à un accord demeureront minces, soutient l'une des sources gouvernementales, qui se sont toutes confiées sous le couvert de l'anonymat en raison du caractère sensible des négociations et de la détérioration des rapports avec les États-Unis.

Aux yeux du Canada, l'administration de Donald Trump a commis «une énorme, énorme gaffe stratégique» en présumant qu'elle pourra mieux marchander avec un nouveau président mexicain.

Un haut responsable canadien estime que l'imposition de lourdes taxes sur l'acier et l'aluminium mexicains incitera les candidats à la présidence à adopter une ligne plus dure face aux pratiques commerciales américaines - ce qui limitera plus tard la marge de manoeuvre de l'éventuel vainqueur.

Déchirer l'accord?

Si un nouvel ALENA s'avère impossible, Donald Trump pourrait mettre en oeuvre sa menace souvent répétée de déchirer l'accord.

Or, les autorités canadiennes prétendent qu'une telle décision unilatérale serait sûrement illégale au sud de la frontière, sans compter le tollé qu'elle soulèverait dans le monde des affaires américain, au Congrès et auprès des collecteurs de fonds du Parti républicain. Donald Trump n'aurait alors sans doute d'autre choix que de faire marche arrière.

Il a néanmoins réitéré vendredi sa préférence à l'égard de deux ententes bilatérales au lieu d'un traité continental.

M. Trump a affirmé, comme il l'a souvent fait, que l'ALENA avait été une terrible entente pour les États-Unis, et que ses partenaires commerciaux nord-américains touchaient «plusieurs milliards de dollars» aux dépens des Américains.

Même si le Canada et le Mexique sont des alliés de longue date des États-Unis, ils profitent des Américains depuis bien trop longtemps, a-t-il fait valoir.

«Ils sont nos alliés, mais ils profitent de nous économiquement, a déclaré M. Trump. Nous perdons beaucoup d'argent avec le Canada et nous perdons une fortune avec le Mexique, mais cela ne se produira plus comme ça.»

Le premier ministre Justin Trudeau et le président mexicain Enrique Peña Nieto semblent néanmoins maintenir leur front commun.

«Les dirigeants ont exprimé leurs fortes préoccupations et leur grande déception à l'égard de l'imposition de droits de douane par les États-Unis sur les exportations canadiennes et mexicaines d'acier et d'aluminium», a rapporté le cabinet du premier ministre.

«Ils ont également discuté des négociations sur l'Accord de libre-échange nord-américain et ont convenu de continuer à travailler ensemble à l'atteinte d'un résultat mutuellement avantageux», peut-on lire dans le résumé de la conversation téléphonique entre les deux hommes jeudi.

En guise de représailles, Justin Trudeau a annoncé que le Canada imposerait ses propres tarifs, touchant pour 16,6 milliards de produits américains allant de l'acier laminé aux cartes à jouer. Le Mexique prévoit lui aussi imposer des tarifs sur divers articles américains, y compris l'acier plat.