Un influent sénateur américain réclame des changements qui permettraient d'ouvrir le marché laitier du Canada, et il aimerait que ceux-ci soient en place avant que son pays n'accepte une nouvelle mouture de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Le sénateur démocrate Chuck Schumer a fait parvenir une lettre à ce sujet au secrétaire américain au Commerce, Robert Lighthizer, alors que certains observateurs croient que son équipe de négociation pourrait assouplir sa position sur cet enjeu.

Selon M. Schumer, l'ouverture du marché canadien des produits laitiers devrait être une importante priorité, et il exhorte l'équipe de négociation américaine à saisir cette occasion pour abaisser le soi-disant «mur laitier» du Canada.

«Comme je vous l'ai signifié à plusieurs reprises, je crois fortement que nous ne devrions pas rater cette occasion de protéger nos producteurs laitiers des récentes pratiques commerciales prédatrices du Canada», a écrit M. Schumer dans la lettre, dont il a fait état lundi.

Le sénateur n'est pas le seul élu du Congrès américain pour qui ce dossier est une priorité. Le chef des républicains à la Chambre des représentants, Paul Ryan, vient du Wisconsin - un État où la production laitière est importante - et il considère aussi qu'il s'agit d'une question importante.

En vertu de la loi américaine, les négociateurs commerciaux des États-Unis doivent consulter le Congrès, et auront éventuellement besoin des votes des élus pour ratifier une nouvelle entente.

Certains observateurs ont laissé entendre que les États-Unis, le Canada et le Mexique pourraient être à quelques semaines d'une forme d'accord préliminaire au sujet de l'ALENA, mais d'autres préviennent que de sérieux problèmes, dont celui du secteur laitier, persistent.

Un enjeu de taille

M. Lighthizer a affirmé aux législateurs lors d'une récente audience que le secteur laitier serait probablement l'un des derniers enjeux à être résolus. Il a dit comprendre d'une certaine façon le caractère politiquement délicat de la question au Canada, où l'industrie laitière se concentre dans les deux provinces les plus populeuses, l'Ontario et le Québec.

Certains des collègues de M. Lighthizer signalent que les États-Unis pourraient ne pas obtenir les changements souhaités.

«Je ne suis pas aussi optimiste que j'aimerais l'être», a affirmé le secrétaire à l'Agriculture, Sonny Perdue, lors d'une audience au Congrès la semaine dernière, où il a été questionné sur le secteur laitier.

«Nous avons fait valoir à l'ambassadeur Lighthizer, pratiquement chaque semaine, à quel point il est important d'obtenir la (résolution) de la situation dans le secteur laitier avec le Canada. (Mais) il a certaines considérations plus larges (dans ces négociations). Nous aimerions avoir une autre aide quelconque pour faire comprendre à (M. Lighthizer) l'importance de s'assurer que la situation avec le Canada soit résolue», a-t-il déclaré.

Quelques jours plus tard, M. Schumer rendait sa lettre publique.

Il n'y a pas de libre-échange dans le secteur laitier entre les deux pays - et les États-Unis réclament deux changements dans les façons de faire.

À long terme, les États-Unis souhaitent l'élimination du système de gestion de l'offre au Canada. Le système restreint la concurrence, mais garantit une certaine stabilité sur les fermes canadiennes en plafonnant les importations, en imposant des tarifs et en établissant les prix dans les marchés d'alimentation.

À plus court terme, l'objectif des États-Unis est d'obtenir du Canada l'élimination de la règle spéciale permettant la vente de sous-produits dans la fabrication du fromage aux prix du marché, non assujettis à la gestion de l'offre. Selon les États-Unis, ces prix sont subventionnés par les prix artificiels des autres produits laitiers.

La vision du gouvernement du Canada est que les États-Unis protègent aussi leur industrie laitière d'autres manières, notamment avec des programmes de stabilisation des prix et des services-conseils lors d'une chute des prix faisant craindre un effondrement des producteurs.

Certains défenseurs du secteur canadien font valoir des analyses selon lesquelles les producteurs américains vendent constamment les produits laitiers à des prix inférieurs aux marchés, puisqu'ils bénéficient d'une série de politiques visant à maintenir leur rentabilité.