Donald Trump a remis d'équerre jeudi la politique américaine sur le dollar en affirmant les États-Unis avaient pour objectif d'avoir une devise forte, démentant son secrétaire au Trésor qui avait la veille affirmé le contraire.

Le billet vert avait dégringolé mercredi après des surprenantes déclarations de Steven Mnuchin affirmant qu'un «dollar plus faible» était «bon» pour les États-Unis puisqu'il favorisait le commerce des entreprises exportatrices.

Mais le président américain l'a pris à contre-pied, en assurant jeudi qu'il était en faveur d'un «dollar fort» et que les propos de son secrétaire au Trésor avaient été «pris hors contexte». Immédiatement, le dollar a enrayé sa chute face à un panier de devises et notamment l'euro.

«Ca part un peu dans tous les sens, c'est difficile à suivre pour les cambistes», comprendre les spécialistes des opérations de change, a commenté Mazen Issa, précisément spécialiste en la matière chez TD Securities.

Les propos du président américain servent probablement d'excuse au marché pour ralentir la progression de l'euro, en pleine forme depuis le début de l'année, a-t-il souligné. Mais «les commentaires de Trump ont certainement pris tout le monde de court».

La vive réaction des investisseurs aux remarques des responsables américains contraste avec l'apparente indifférence accordée aux récentes annonces et commentaires des banquiers centraux japonais et européens.

En début de semaine, la Banque du Japon (BoJ) a en effet reconduit sa politique monétaire ultra-accommodante et s'est attelé à faire taire les rumeurs sur un éventuel durcissement imminent, ce qui habituellement tend à peser sur la devise. Mais le yen, après un bref repli, a repris son ascension face au dollar. 

Mystère

De même, le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi s'est évertué jeudi lors d'une conférence de presse à assurer que l'institution de Francfort ne remonterait probablement pas ses taux avant 2019 et poursuivrait comme prévu jusqu'en septembre son programme de rachat massif de dette. Autant de déclarations visant à limiter la progression de la monnaie unique européenne.

Il a aussi fustigé au passage les déclarations de l'administration américaine en faveur du dollar faible, accusant à mots à peine couverts l'administration américaine de se livrer à la guerre des changes.

Mais les cambistes s'attendaient apparemment à des propos beaucoup plus agressifs du chef de la politique monétaire européenne et ont dans la foulée fait grimper l'euro au-dessus des 1,25 dollar pour la première fois depuis 2014 avant que les propos de Trump ne viennent mettre le holà.

Que le billet vert ne cesse de s'affaiblir depuis un an apparaît à certains «comme un mystère», reconnaît Gaurav Saroliya, d'Oxford Economics.

«Les taux montent aux États-Unis alors qu'ils restent plus ou moins stables dans le reste du monde, les États-Unis sont probablement le seul pays qui va durcir sa politique monétaire de façon significative cette année, au moins en ce qui concerne les taux à court terme, et les mesures de soutien budgétaire mises en place devraient favoriser des taux d'intérêt réels plus élevés et un dollar plus fort», souligne-t-il.

Mais les évolutions actuelles sur le marché des changes reflètent à ses yeux les tendances macro-économiques à l'oeuvre, avec notamment une croissance plus marquée actuellement dans la zone euro qu'aux États-Unis.

Et puis, rappellent les experts de Nomura, la devise américaine s'était beaucoup renforcée entre 2014 et 2016 alors que la banque centrale américaine préparait les marchés à la remontée de ses taux directeur.

«Engager une phase de durcissement monétaire est bien plus important que poursuivre une remontée des taux déjà en cours», soulignent-ils.

«Le marché semble penser que la politique de la Fed est déjà intégrée aux cours et que les prochaines étapes significatives, même si elles sont encore loin, concerneront les banques centrales européenne et japonaise», abonde Karl Haeling, spécialiste des marchés financiers pour la banque LBBW.

«Le marché adopte une vision à long terme» et «estime que le «prochain grand mouvement» viendra de la BCE», avance-t-il.