Le Canada et le Mexique ont obtenu un sursis dans leur difficile relation commerciale avec l'Amérique de Donald Trump, le président américain revenant sur la menace de mettre fin purement et simplement à l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Un dernier entretien téléphonique entre les trois dirigeants jeudi soir a finalement fait pencher la balance vers une renégociation de l'ALENA quand quelques heures plus tôt les rumeurs le laissaient pour mort.

«Il est de mon pouvoir de remettre le traité de l'ALENA à jour, via la renégociation», a annoncé le président Trump à l'issue des entretiens avec ses homologues mexicain et canadien, le président Enrique Pena Nieto et le premier ministre Justin Trudeau.

Quelques heures plus tôt, selon les médias américains, le décret présidentiel mettant fin à l'ALENA était finalisé et prêt à signer.

«Cela a été une possibilité réelle et nous avons eu la confirmation que c'est quelque chose qui a été envisagé», a déclaré jeudi à Mexico Luis Videgaray, ministre des Affaires étrangères.

En coulisses, politiques, diplomates et groupes de pression économiques ont déployé une grande activité pour faire pencher la balance.

Après un premier appel mercredi pour défendre ses exportations de bois de construction que Trump a décidé de taxer, Justin Trudeau a repris son téléphone 24 heures plus tard pour appeler la Maison-Blanche.

Le premier ministre canadien a insisté sur la nécessité de garder un accord, quitte à le renégocier, afin «d'axer nos relations commerciales sur la stabilité et la croissance de l'emploi», selon le compte rendu de l'entretien diffusé par les services de Justin Trudeau.

En vigueur depuis 1994, l'ALENA est l'un des plus importants accords de libre circulation de marchandises dans le monde, et c'est seulement en 2008 que les derniers droits de douane ont été supprimés, à l'exception du bois de construction et la quasi-totalité des produits laitiers.

Dès les premières flèches décochées par Donald Trump sur cet accord, Justin Trudeau s'est dit ouvert à une renégociation.

Nerfs à vif

Ce n'est semble-t-il pas une source d'inquiétude pour Justin Trudeau qui répète qu'au cours des deux dernières décennies, cet accord commercial «a été amélioré une douzaine de fois».

Sur les tribunes ou lors de sa visite à Washington, Justin Trudeau défend le libre-échange avec ses deux partenaires et rappelle que pour les exportateurs américains, le Canada est le premier marché.

Pour Donald Trump qui veut privilégier les emplois américains, un trait de plume pur et simple sur cet accord n'est pas du goût de ces exportateurs, notamment pour les industriels de l'automobile et de l'agro-alimentaire.

«Beaucoup d'emplois au Canada créent des emplois aux États-Unis et inversement», selon Justin Trudeau.

Chaque minute, c'est plus d'un million de dollars de marchandises qui sont échangées entre les deux pays.

«Le Mexique et le Canada sont parmi nos plus importants marchés à l'exportation», ont rappelé les céréaliers américains en se disant «choqués et très inquiets» que l'ALENA puisse être mis en danger.

Contre les États-Unis, «le Canada a ses propres griefs et le temps est venu pour M. Trudeau de défendre nos intérêts», estime Maude Barlow, présidente du Conseil des Canadiens, un centre de réflexion de gauche.

Les attaques successives contre le Canada mobilisent les milieux d'affaires canadiens. Les taxes mardi sur le bois canadien, les éventuelles rétorsions américaines contre les producteurs laitiers le lendemain et un allégement fiscal pour les entreprises américaines jeudi ont mis les nerfs à vif du côté canadien.

«Non seulement l'administration Trump limite les accès canadiens au marché américain, mais elle donne en plus à ses entreprises les moyens» d'être concurrentiels sur les marchés internationaux, a déploré jeudi Perrin Beatty, le président de la Chambre de commerce canadienne.

La renégociation de l'ALENA est un moindre mal pour Trump et les États-Unis. Sa dénonciation aurait soulevé «un tollé au Congrès, mis un coup d'arrêt à l'activité des entreprises compte tenu de l'imbrication des chaînes d'approvisionnements, pénalisé l'économie et enfin aurait déclencher une vague de procès», a estimé Angelo Katsoras, économiste de la Banque Nationale.