Après des années de lobbying intensif, les banquiers vont finalement obtenir le détricotage par Donald Trump de la réglementation mise en place pour prévenir une nouvelle crise et protéger les consommateurs des excès de la finance.

Le président américain a paraphé vendredi un décret ordonnant un réexamen de l'ensemble des lois financières «Dodd-Frank» promulguées en 2010 par Barack Obama.

«Positif»: le commentaire d'un trader de fonds spéculatif résume bien le sentiment général dans les milieux financiers new-yorkais, où on se garde néanmoins de toute célébration bruyante par crainte d'un retour de bâton tant la colère à l'encontre de Wall Street reste prégnante.

En janvier, des militants proches de l'aile gauche du parti démocrate ont organisé des manifestations devant la banque d'affaires Goldman Sachs dans de nombreuses villes du pays, réclamant que les banquiers soient tenus responsables de leurs errements ayant conduit en 2008 à la plus grave crise financière depuis 1929.

«Nous sommes satisfaits», confie à l'AFP un banquier sous couvert d'anonymat. Comme lui, la plupart des banquiers sollicités par l'AFP ont exigé l'anonymat pour s'exprimer.

L'association bancaire ABA a salué une initiative qui «devrait permettre de libérer le pouvoir de l'industrie bancaire», tandis que le Financial Services Roundtable, le lobby des grandes banques, va travailler avec la nouvelle administration sur des réformes «constructives».

«C'est une trahison d'une de ses promesses de campagne, en l'occurrence faite à ceux qui ont été saignés par Wall Street et qui constituaient le pilier de sa base électorale», fustige en revanche Bartlett Naylor, de l'association de défense des consommateurs Public Citizen.

Donald Trump avait axé sa campagne sur le rejet des élites, symbolisées notamment par les banquiers dont l'impunité supposée est régulièrement dénoncée aussi bien à gauche qu'à droite de l'échiquier politique américain.

Contactées par l'AFP, Goldman Sachs a indiqué qu'il n'y avait rien à commenter pour l'instant, tandis que JPMorgan Chase, dont le PDG Jamie Dimon était l'un des fervents opposants à cette réglementation, ainsi que Morgan Stanley, n'ont pas souhaité réagir.

Il faut regarder vers la Bourse pour observer l'impact sur les banques de ce début de déréglementation qui devrait relancer la prise de risques.

À la mi-journée à Wall Street, le titre Goldman Sachs gagnait 4,36%, JPMorgan 2,83%, Morgan Stanley 5,57%, Bank of America 2,67%, Citigroup 3,13% et Wells Fargo 2,70%.

Prudence

Les obligations des grandes banques étaient également recherchées, entraînant une baisse de leurs rendements. Les prix des contrats d'assurance que doivent souscrire les créanciers d'institutions financières (CDS) reculaient.

Un trader, qui a acheté des titres bancaires vendredi matin, indiquait à l'AFP que ses transactions avaient été motivées par le fait que les banques n'auront plus à supporter les nombreux coûts liés à l'application de la loi.

Ces établissements avaient été contraints d'investir des millions de dollars dans les technologies, le renforcement de leurs procédures de contrôle et d'alerte et d'embaucher des milliers de personnes.

L'administration Trump devrait également dans les prochains assouplir la règle Volcker, qui limite la capacité des banques à spéculer avec leur propre argent, et se débarrasser de la disposition forçant les courtiers à privilégier les intérêts de leurs clients, connue sous le nom de «fiduciary rule».

Conséquence: les banques devraient redevenir très actives dans la spéculation, estiment les analystes du cabinet Trefis.

Elles jouent souvent le rôle d'animateurs de marchés en assurant la liquidité des titres, c'est-à-dire leur capacité à être achetés ou vendus rapidement. C'est l'absence de liquidités sur les marchés qui avait aggravé la crise de 2008.

Forcées de renforcer leurs fonds propres, les grandes banques pourvoyaient modérément les marchés lors des dernières années, limitant ainsi de fait la spéculation.

Vendredi, certains banquiers appelaient à la prudence, notant que le feu vert du Congrès est requis pour révoquer la loi Dodd-Frank.

Et ce n'est pas gagné car les partisans de la loi - nombreux parmi les parlementaires républicains d'États dévastés par les «subprimes» - font valoir qu'elle a permis d'assainir le bilan des banques et redonner confiance au système financier américain au travers des tests de résistance annuels et des niveaux de liquidités importants.