Les prévisions budgétaires aux États-Unis tablent sur un gonflement drastique du déficit à moyen terme du fait du vieillissement de la population, une perspective difficile à concilier avec les projets de Donald Trump de réduire les impôts et de dépenser massivement dans les infrastructures, estime le Congressional Budget Office (CBO).

L'entité indépendante, qui évalue régulièrement les comptes de la nation, souligne que le déficit budgétaire fédéral va atteindre les 1000 milliards de dollars dès 2023, un an plus tôt que ne l'estimaient les prévisions de l'année dernière.

L'endettement national qui représente aujourd'hui 77% du produit intérieur brut -15 000 milliards de dollars, son plus haut niveau depuis la Seconde Guerre mondiale- devrait grimper à 89% du PIB d'ici 2027 (25 000 milliards).

Ces chiffres, qui ne tiennent pas compte de l'élection ni du programme de Donald Trump, s'expliquent par l'augmentation inévitable des dépenses de santé (Medicare pour les plus âgés) et de retraite alors que la génération nombreuse des baby-boomers quitte le marché du travail au rythme de 10 000 personnes par jour.

Ces projections du Congressional Budget Office se basent aussi sur une croissance économique modeste, autour de 1,9% par an en moyenne sur la prochaine décennie, alors que le président Trump prédit un coup d'accélérateur et promet de faire caracoler l'économie à plus de 3%. «Parvenir à une croissance supérieure» aux prévisions du CBO «représente un véritable défi», estime Keith Hall, le directeur de cet organisme indépendant.

Le président Trump a promis des réductions d'impôts généralisées, sur les revenus comme sur les bénéfices des entreprises et des dépenses massives d'infrastructures.

Les seules réductions d'impôts pourraient faire perdre à l'État fédéral entre 3000 et 10 000 milliards de dollars sur dix ans, selon James Pethokoukis, de l'American Enterprise Institute (AEI). «On parle ici d'une augmentation considérable et sans précédent de la dette et (...) il est bien difficile de voir comment la mathématique budgétaire va marcher», déclare cet expert à l'AFP.

Incertitude

Surtout que l'incertitude est totale sur la façon dont ces promesses peuvent être réalisées. Les propositions de M. Trump ont varié pendant la campagne: tantôt il a qualifié l'endettement de «gros problème», tantôt il a affirmé «aimer la dette et aimer jouer avec». Mais pour l'instant «aucun de ses plans ne se rapproche d'un équilibre (budgétaire) même en prévoyant une réponse significative du côté de la croissance économique», affirme M. Pethokoukis.

Endettement

«On ne sait pas vraiment ce qu'il a à l'esprit», ajoute David Wessel, expert auprès du Brookings Institute qui doute de la volonté du Congrès de s'embarquer dans un vaste plan de dépenses alors qu'il y a trois ans, sous l'impulsion du Tea Party, il avait réussi à couper les vivres du gouvernement sur la question de l'augmentation du plafond d'endettement. Mais les élus républicains s'opposaient alors à une administration démocrate...

Selon l'institut d'études Committee for a Responsible Federal Budget, la conjonction des réductions d'impôts et des dépenses d'infrastructures pourraient ajouter 6000 milliards de dollars à l'endettement fédéral sur dix ans.

Or, les perspectives du CBO qui sont déjà «sur une trajectoire insoutenable (...) nous rappellent sombrement le défi budgétaire auquel vont faire face le président Trump et le nouveau Congrès», a affirmé cet institut.

Quelques jours à peine après son investiture, Donald Trump a signé mercredi un décret censé lancer la construction d'un mur anti-immigration à la frontière mexicaine, un projet qui pourra coûter entre 5 et 50 milliards de dollars, selon des estimations très divergentes. Dans l'immédiat, ce projet devra être financé par l'endettement ou les contribuables, en attendant la réalisation des assurances de Donald Trump d'en faire assumer le coût par le Mexique.

Sur ce point, un projet de loi déposé par un sénateur républicain de Louisiane prévoit d'imposer une taxe de 7% sur les mandats que les immigrés sans papier envoient à leurs familles restées au Mexique, des virements qui représentent quelque 25 milliards par an.