Le milliardaire Donald Trump a tout pour plaire à Wall Street, qui l'a aidé à bâtir son empire immobilier, mais sa position de favori à l'investiture républicaine fait trembler les tenants du capitalisme américain.

La liste de leurs craintes est longue: guerres commerciales avec la Chine et le Mexique, hausse des impôts pour les plus riches, conflit ouvert avec la banque centrale, blocage au Congrès...

«Donald Trump fait peur à Wall Street», résume auprès de l'AFP Greg Valliere, chef stratégiste du fonds Horizon Investments. «C'est un électron libre. Il est porteur d'incertitude et les marchés détestent l'incertitude».

Les déclarations à l'emporte-pièce du magnat de l'immobilier depuis son entrée en campagne déconcertent les entreprises.

Il dénonce les gros salaires des grands patrons, la cupidité des banquiers et traders et les politiques d'immigration du pays alors que les milieux d'affaires apprécient l'arrivée de main-d'oeuvre bon marché en provenance du Mexique.

Il y a aussi ses attaques récurrentes contre la Chine et le Japon, accusés de manipuler leurs monnaies, et contre le libre-échange au moment même où les États-Unis nouent des accords commerciaux avec la région Asie-Pacifique et l'Europe.

Pas un conservateur traditionnel

Son protectionnisme dérange les multinationales quand il distribue les cartons rouges à Ford et Apple, qui fabriquent une partie de leur production à l'étranger. Son appel au boycottage d'Apple sur fond de bras de fer avec le FBI a également semé le trouble dans la Silicon Valley.

Son offensive contre les niches fiscales qui profitent aux fonds d'investissement a fini par sceller le divorce avec les voix influentes de la finance.

Mais Donald Trump sait aussi faire des oeillades aux milieux d'affaires en promettant une réduction des déficits et des baisses d'impôts pour les entreprises. Il loue également le milliardaire Carl Icahn, l'un des investisseurs les plus craints de Wall Street, dont il veut faire, une fois élu, son secrétaire au Trésor.

«Il ne rentre dans aucun moule économique. Il n'est pas un conservateur traditionnel comme Ronald Reagan qui serait attaché à une politique de l'offre faite de baisses d'impôts, d'ouverture aux échanges internationaux et à moins de régulation», indique Mark Perry, expert au groupe de réflexion conservateur American Enterprise Institute.

«Sa plateforme est réellement un mélange de populisme et d'isolationnisme», ajoute-t-il.

«Certains de mes clients apprécient qu'il (Donald Trump) veuille baisser les impôts pour les entreprises mais ils ont aussi très peur des représailles de la Chine en cas de guerre commerciale», déplore Chris Low gérant de portefeuille chez FTN Financial.

Sollicité par l'AFP, l'entourage de Donald Trump n'a pas donné suite.

Quatre faillites

Dans les milieux bancaires, c'est également un sentiment général anti-Trump qui prévaut. «L'image de M. Trump avec son doigt sur le bouton nucléaire me laisse sans voix», avait déclaré en septembre dernier le PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein.

«Il est incapable de gérer une entreprise. Comment va-t-il pouvoir gérer un pays ?», s'interroge un banquier sous couvert de l'anonymat, renvoyant aux quatre faillites entre 1991 et 2009 des casinos Trump.

L'ancien candidat républicain à la Maison-Blanche Mitt Romney s'est joint jeudi aux critiques en assurant que Trump était «loin d'être un génie des affaires».

«Ses faillites ont anéanti les petites entreprises et les hommes et femmes qui y travaillaient», a taclé M. Romney, qui est aussi l'ancien gérant de la société d'investissement Bains Capital.

Mais Donald Trump a toutefois su accumuler une fortune personnelle évaluée à 4,5 milliards de dollars -il affirme en avoir le double- et bâtir un empire économique qui va des immeubles de luxe aux parcours de golf.

«Parfois nous oublions derrière tout son discours, ses cheveux et ses shows de télé-réalité, qu'il sait vraiment construire des immeubles d'une manière extrêmement efficace et économique», assure à l'AFP Gwenda Blair, auteur d'une biographie sur la dynastie Trump («The Trumps»).

Depuis le retrait de Jeb Bush, qui avait les faveurs des milieux d'affaires, Wall Street se sent orphelin et se résignerait presque à  une élection de la démocrate Hillary Clinton.

«Hillary Clinton est "le diable qu'on connaît". C'est mieux qu'un "diable qu'on ne connaît pas"», avance Greg Valliere.

«La Bourse pourrait vaciller cet été s'il apparaît que Trump a des chances de l'emporter en novembre. En attendant, si ses succès lors des primaires se poursuivent, la volatilité va s'accroître», dit David Lafferty stratégiste chez Natixis Global Asset Management.