La banque centrale américaine (Fed) «pense sérieusement» relever ses taux directeurs cette année pour la première fois depuis la crise financière, même si cette hausse pourrait «légèrement» freiner la reprise, a indiqué sa présidente vendredi.

La Fed «pense désormais sérieusement commencer dans le courant de l'année à réduire la politique monétaire exceptionnellement accommodante actuellement en place», a déclaré Janet Yellen dans un discours à San Francisco.

La responsable se garde bien de donner un calendrier précis mais elle franchit une étape supplémentaire vers une normalisation monétaire, guettée avec fébrilité par les marchés qui redoutent la fin de la période de «l'argent pas cher».

À la mi-mars, le comité de politique monétaire (FOMC) avait ouvert une brèche en abandonnant l'engagement de se montrer «patient» avant de relever ses taux, maintenus proches de zéro depuis fin 2008 pour soutenir l'activité.

Mme Yellen avait alors assuré qu'une hausse pourrait intervenir à tout moment après la réunion du FOMC en avril mais n'avait pas fixé d'horizon précis, affirmant seulement que la Fed ne se montrerait pas «impatiente».

«Le bon moment n'est pas encore arrivé», a-t-elle précisé vendredi même si l'amélioration de la conjoncture américaine plaide, selon elle, vers un début de normalisation à moyen terme.

La hausse des taux, qui serait la première aux États-Unis depuis 2006, approche donc mais elle n'est pas sans risques, a mis en garde Mme Yellen.

Évoquant la décrue du taux de chômage américain, tombé à 5,5% en février, la dirigeante a ainsi relevé qu'une hausse «pourrait légèrement ralentir le rythme de l'amélioration» du marché de l'emploi.

Inquiétudes sur l'inflation 

Dans sa réflexion sur les taux, la Fed cherche à atteindre deux objectifs: le plein emploi (5 à 5,2% de chômage) et une inflation annuelle à 2%. Et le bilan est pour l'heure mitigé, selon la présidente de la Fed.

En dépit de certaines faiblesses, la fonte du taux de chômage traduit bien une amélioration «substantielle» du marché de l'emploi, a noté Mme Yellen.

En revanche, les progrès sur l'inflation ont été «notoirement inexistants», a-t-elle déploré. Plombés par la chute des cours mondiaux du pétrole, les prix à la consommation ont nettement ralenti aux États-Unis.

Mme Yellen estime toutefois qu'il ne serait pas «prudent» d'attendre que cet objectif d'inflation soit pleinement atteint avant de changer de cap monétaire. Piochant dans son jargon de banquière centrale, elle estime que des attentes d'inflation «solidement arrimées» seraient suffisantes.

«Garder les taux trop bas pendant trop longtemps pourrait encourager des prises de risques inappropriées des investisseurs, au risque de saper la stabilité des marchés financiers», justifie-t-elle.

C'est l'impression qui irrigue l'ensemble de son discours: trouver le bon équilibre sera ardu. Mme Yellen appelle ainsi de ses voeux une hausse des taux «progressive» mais reconnaît que cette approche pourrait avoir des effets indésirables.

«Un resserrement trop lent de la politique (monétaire) pourrait avoir un impact négatif», notamment sur la «crédibilité» de l'objectif d'inflation de la Fed, explique-t-elle.

L'équation soumise à la banque centrale américaine devra également inclure l'impact des politiques de ses homologues européenne ou japonaise, qui sont engagées dans un mouvement inverse d'assouplissement monétaire.

«Nous devons très clairement prendre en compte l'environnement économique mondial et son impact sur nos propres perspectives», a déclaré Mme Yellen, ajoutant que rien dans l'action de la Fed n'était «déterminé à l'avance».

En fonction de l'évolution économique, la Fed pourrait ainsi «accélérer» ou «ralentir» le resserrement monétaire et même faire «machine arrière» en abaissant de nouveau les taux, a-t-elle dit.

Même en cas de détérioration de la conjoncture, la dirigeante a en revanche semblé exclure un nouveau cycle de rachats d'actifs après la fin d'un vaste programme en octobre dernier.

«Étant donné le bilan déjà important (de la Fed), le FOMC pourrait s'inquiéter des coûts potentiels et des risques liés à de nouveaux rachats d'actifs», a-t-elle dit.