Goldman Sachs, accusée d'abus de confiance par le fonds souverain libyen (LIA), est également dans le collimateur des autorités américaines qui enquêtent sur ses liens avec l'ex-régime de Mouammar Kadhafi.

Le gendarme de la Bourse, la SEC, a ouvert récemment une enquête pour déterminer si la prestigieuse banque avait violé les lois américaines en matière de corruption à l'étranger.

Elle veut notamment savoir si Goldman Sachs a accordé un stage en 2008 au frère de Mustafa Zarti, un ex-dignitaire du régime qui était alors le chef adjoint du Fonds souverain libyen (LIA), selon les sources.

Libyan Investment Authority (LIA) avait été créé en 2006 pour gérer les revenus pétroliers du pays. À l'époque il gérait pour 65 milliards de dollars d'actifs.

Pourquoi Haitem Zarti a-t-il été autorisé à rester dix mois chez Goldman après la fin de son stage? s'interrogent les enquêteurs.

Cette décision avait été prise alors que Goldman Sachs était engagée dans des opérations avec LIA à hauteur de 1 milliard de dollars, mais à un moment où les relations entre les deux partenaires «commençaient à se détériorer».

«Haitem Zarti a commencé à travailler en juillet 2008 et est resté dix mois. Ce stage était considéré comme faisant partie des sessions de formation offertes aux employés de LIA», explique Goldman Sachs dans des documents à la justice britannique et consultés par l'AFP.

Dans le cadre de son «partenariat stratégique» avec LIA, la prestigieuse banque explique qu'il était «admis que durant l'année 2007», elle devait former des employés du fonds à des produits financiers.

Certains frais «en lien avec ces formations» étaient toutefois à sa charge, selon les documents.

D'autres institutions ont effectué des formations similaires, se défend l'établissement, citant ses rivales UBS, JPMorgan Chase, Lehman Brothers, Deutsche Bank, CommerzBank, Barclays et Royal Bank of Scotland (RBS).

Voyages et petits cadeaux

Goldman Sachs reconnaît par ailleurs avoir payé l'hébergement d'employés de LIA lors de voyages au Maroc avec un de ses anciens hauts dirigeants Youssef Kabbaj.

Mais, ajoute-t-il aussitôt, le fonds était au courant et avait validé les conditions d'hébergement et de divertissement.

«Dans un certain nombre d'occasions le LIA a confirmé par écrit qu'elle était [...] d'accord que Goldman fournisse l'hébergement et paie pour les divertissements», se défend l'institution.

Et de poursuivre: M. Kabbaj a «occasionnellement offert des petits cadeaux aux employés de LIA, mais ce n'était pas fréquent», assure Goldman Sachs.

Aux termes de la législation en vigueur aux Etats-Unis, les entreprises américaines ne sont pas autorisées à offrir de l'argent ou des objets de valeur à des responsables étrangers afin de décrocher des contrats.

L'enquête de la SEC tombe au moment où débutent à Londres des audiences préliminaires en vue d'un éventuel procès dans cette affaire.

Lundi, LIA a réclamé dans ce cadre 1 milliard de dollars à Goldman Sachs, qu'il accuse d'avoir abusé ses responsables inexpérimentés lors d'opérations financières réalisées entre janvier et avril 2008 lui ayant coûté sa mise.

Le fonds estime que la banque américaine a empoché 350 millions de dollars à ses dépens en gagnant «la confiance» de deux de ses responsables et en leur offrant des cadeaux et des voyages, selon une plainte déposée en janvier à Londres.

Égrenant les CV des deux responsables - Mohammed Layas, banquier d'affaires, et Mustafa Zarti, un ancien dirigeant du fonds d'aide financière de l'OPEP - Goldman Sachs rejette en bloc ces accusations.

«Le LIA a sélectionné les actions auxquelles il voulait être exposé et le type d'opérations (produits dérivés ''swaps»» et ''options'') qu'il souhaitait effectuer», contre-attaque Goldman Sachs.

Conseillé par Goldman Sachs, LIA a investi pour 1 milliard de dollars via divers produits financiers sur les titres des banques Citigroup et Santander entre autres. Mais il a enregistré de lourdes pertes avec l'effondrement de ces entreprises en Bourse.

Goldman Sachs affirme que les responsables du fonds souverain étaient parfaitement au courant des risques encourus et que les pertes sont dues à la crise financière.

Un procès est attendu début 2015, mais un accord est possible d'ici là entre les deux parties, selon une source proche du dossier.