La banque centrale américaine (Fed) a  décidé mercredi de réduire encore son soutien à l'économie américaine et a innové en cessant de lier une éventuelle remontée des taux directeurs au seuil de 6,5% de chômage.

Présidé pour la première fois par Janet Yellen, le Comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed a sans surprise décidé de diminuer de dix milliards de dollars supplémentaires ses injections mensuelles de liquidités destinées à fluidifier le crédit et à soutenir l'activité.

En ligne avec le mouvement de retrait amorcé en décembre, ses rachats d'actifs, notamment en bons du Trésor américains, seront ramenés à partir d'avril à 55 milliards de dollars contre 65 actuellement, a indiqué le FOMC dans son communiqué publié à l'issue de deux jours de réunion à Washington.

À l'appui de sa décision, la Fed estime que l'activité économique a continué à progresser en dépit de la vague de froid qui frappe le pays et freine notamment les transactions immobilières.

«La croissance de l'activité économique a ralenti au cours des mois d'hiver, reflétant en partie des conditions météorologiques difficiles», note ainsi le Comité dans son communiqué.

Mais il relève également «des progrès cumulés» vers son objectif de plein emploi et d'amélioration sur le marché de l'emploi. En février, le taux de chômage a baissé à 6,7%, contre 10% au plus fort de la crise financière de 2008-2009.

Prévision de croissance en baisse 

Sans surprise, la Fed a également décidé de maintenir son principal taux directeur proche de zéro, son niveau depuis 2008, afin de continuer à exercer une pression à la baisse sur les crédits à long terme.

La Banque centrale a toutefois innové en cessant de lier une éventuelle remontée des taux à une baisse du taux de chômage sous le seuil des 6,5%, comme elle le faisait dans ses précédents communiqués.

Pour prendre sa décision sur les taux, la Fed indique désormais qu'elle «évaluera les progrès» de l'économie vers les objectifs de plein emploi et d'inflation annuelle à 2%, sans fixer le moindre seuil sur le taux de chômage.

«Cette évaluation prendra en compte une vaste série d'informations, notamment sur les conditions du marché du travail et les pressions sur l'inflation», écrit simplement le FOMC.

Ce seuil de 6,5% de chômage, dont les États-Unis s'approchent, était considéré comme caduc par un nombre croissant d'experts qui soulignaient qu'il ne reflétait pas certaines faiblesses du marché du travail et la difficulté pour les chômeurs de longue durée à retrouver un emploi.

La Fed avait déjà minimisé l'importance de ce seuil en réaffirmant à plusieurs reprises que ses taux directeurs resteraient proches de zéro «bien après» la baisse du taux du chômage sous les 6,5%.

Comme c'est le cas chaque trimestre, le FOMC a également publié ses nouvelles projections économiques qui font apparaître un regain de pessimisme pour la croissance et d'optimisme pour l'emploi.

Selon la Fed, le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis devrait ainsi progresser de 2,8% à 3,0% sur un an au dernier trimestre 2014, marquant un léger fléchissement par rapport aux 2,8% à 3,2% prévus en décembre dernier.

La Fed se montre également plus pessimiste pour 2015 et assure que l'activité économique devrait moins progresser que prévu. Pour l'année prochaine, elle prévoit désormais une croissance allant de 3,0% à 3,2% contre 3,0% à 3,4% attendus jusque-là.

La Banque centrale américaine fait en revanche part d'un regain d'optimisme sur le front de l'emploi. Pour 2014, elle s'attend désormais à un taux de chômage qui s'échelonnerait entre 6,1 à 6,3%, contre 6,3 à 6,6% prévus jusque-là, indique-t-elle dans ses nouvelles prévisions.

Pour 2015, la Fed prévoit aussi une embellie plus forte que prévu avec un taux de chômage entre 5,6% et 5,9% contre 5,8 à 6,1% attendus jusque-là.

J'ai de la chance d'être expérimentée car c'est «compliqué», dit Yellen

Janet Yellen, première femme à être présidente de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed), a estimé mercredi «avoir de la chance» d'avoir déjà l'expérience de la politique monétaire «parce que c'est compliqué».

Mme Yellen, 67 ans, a été interrogée lors de sa première conférence de presse à l'issue d'une réunion de politique monétaire sur ses premiers pas à la présidence de la plus importante institution financière du monde.

«Je sens que j'ai de la chance car j'ai une grande expérience de la Fed (....) parce que c'est compliqué et maintenant je vois que c'est à moi de prendre les décisions», a-t-elle répondu.

«Je sens nettement ce poids des responsabilités en assumant ce nouveau rôle», a-t-elle ajouté alors qu'elle a été vice-présidente de la Banque centrale pendant quatre ans après avoir dirigé la banque régionale de la Réserve fédérale de San Francisco.

La patronne de la Fed a toutefois ajouté que son arrivée ne changerait pas l'action de la Réserve fédérale en terme de politique monétaire comme de régulation bancaire. «Je ne prévois pas jusqu'ici de changements radicaux à venir», a-t-elle poursuivi.

Évoquant son prédécesseur Ben Bernanke, dont elle a été la lieutenante pour guider la reprise de l'économie américaine, Mme Yellen a assuré qu'elle avait «exactement le même objectif» que lui.

«Mon but est de faire des progrès rapides (...) pour mettre la reprise économique sur les rails, redonner du travail aux Américains et faire remonter l'inflation au niveau de 2%», a-t-elle déclaré.

«Mon prédécesseur avait aussi cet objectif», a poursuivi Mme Yellen ajoutant qu'il avait fait beaucoup pour renforcer le système financier.

«Il faut encore agir et j'ai une longue liste de choses à faire», a-t-elle conclu.

La Fed surveille «étroitement» la situation en Ukraine

La banque centrale américaine (Fed) surveille «étroitement» l'évolution de la situation en Ukraine même si les répercussions économiques des tensions dans la région sont pour l'heure limitées, a indiqué mercredi sa présidente Janet Yellen.

«S'agissant de la situation en Ukraine et en Russie, c'est quelque chose que nous surveillons très étroitement», a déclaré Mme Yellen lors d'une conférence de presse.

Les tensions sont encore montées d'un cran entre l'Ukraine et la Russie après le référendum en Crimée dimanche qui a conduit les Occidentaux à prendre des sanctions économiques contre Moscou.

Selon Mme Yellen, la Fed n'a pour l'instant pas décelé de «larges répercussions financières» des tensions en Ukraine.

Les liens des États-Unis avec le système bancaire en Ukraine et en Russie sont par ailleurs «faibles», a-t-elle ajouté.

Mais la présidente de la Fed a toutefois mis en garde contre une extension du conflit.

«S'il y avait une escalade, cela serait certainement quelque chose qui serait sur nos radars», a-t-elle ajouté.

Mme Yellen a par ailleurs affirmé «ne pas être en mesure» de préciser si des investisseurs russes avaient massivement retiré leurs fonds des États-Unis, anticipant des sanctions économiques et des gels d'avoirs.