Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed) sur le départ, a affirmé jeudi que la Fed était armée pour faire face aux risques financiers posés par plusieurs années d'une politique monétaire ultra-expansionniste.

«Je pense que nous avons beaucoup d'outils désormais pour agir sur les taux d'intérêt et resserrer la politique monétaire, même si nos actifs au bilan restent à ce niveau ou augmentent», a affirmé M. Bernanke lors d'une conférence à Washington qui pourrait être sa dernière apparition publique avant de passer la main à Janet Yellen à la fin du mois.

Il a rejeté les arguments de ceux qui craignent que les injections massives de liquidités dans le système financier relancent la hausse des prix. «J'invite ceux qui affirment depuis cinq ans qu'on est au bord de l'hyperinflation à regarder le chiffre de l'inflation de ce matin (NDLR: 1,5% sur un an) qui suggère que l'inflation n'est simplement pas un risque réellement significatif lié à cette politique», a affirmé M. Bernanke lors cette conférence organisée par la Brookings Institution.

Évoquant des risques posés à la stabilité financière, il a reconnu qu'il y avait toujours un potentiel pour «une course au rendement et une évaluation erronée des actifs». Mais il ne croit pas que les marchés financiers soient surévalués à ce stade.

«Les mesures d'évaluation des marchés semblent être dans la moyenne historique», a-t-il affirmé ajoutant que le système financier était «solide».

«Nous suivons cela de très près», a encore souligné M. Bernanke. «Notre approche est de nous appuyer sur la surveillance, la régulation, les outils de politique micro-économique que nous avons développés pour éviter des problèmes potentiels».

Revisitant l'action de la Fed pendant et après la crise financière de 2008, M. Bernanke a réaffirmé que les injections de liquidités dans le système financier («quantitative easing») comme les aides aux banques en difficulté (programme TARP) avaient été «utiles».

Il a rappelé combien ces mesures - particulièrement les TARP - avaient été impopulaires. Il s'est remémoré avec décontraction ce que lui disait un sénateur appelé à voter sur cette aide exceptionnelle de l'État américain aux banques: «je dois vous dire que les appels que je reçois de mes électeurs sont divisés à 50/50: 50% de non et 50% de surtout pas !»

Quant à l'assouplissement monétaire, «le problème c'est que ça marche en pratique, mais pas en théorie», a encore plaisanté le président de la banque centrale.

M. Bernanke a enfin reconnu qu'il avait passé de nombreuses nuits sans sommeil pendant cette période.

Il a admis avoir plus récemment «connu une certaine frustration» lors des bras de fer entre le Congrès et la Maison-Blanche sur le relèvement du plafond de la dette, qui a «affecté la confiance».

Dernière apparition publique en tant que président de la Fed

Lors de cette dernière apparition publique en tant que président de la Réserve fédérale des États-Unis, Ben Bernanke est revenu sur la crise financière de 2008, qu'il a comparée à un grave accident de voiture.

En entrevue à la Brookings Institution, à Washington, M. Bernanke s'est souvenu de «périodes très intenses» durant la crise. C'était comme chercher à empêcher une automobile de basculer d'un pont à la suite d'une collision, a-t-il expliqué.

Le gouvernement américain venait de prendre le contrôle des géants de l'hypothèque Fannie Mae et Freddie Mac, tandis que la firme Lehman Brothers venait de s'effondrer. M. Bernanke se souvient de quelques nuits blanches passées à travailler avec d'autres responsables dans l'espoir de limiter les dégâts.

Ben Bernanke va quitter la Fed le 31 janvier, au terme de huit années à la tête de la banque centrale américaine. Janet Yellen lui succédera le 1er février.

La Fed a annoncé le mois dernier qu'elle commencerait à légèrement réduire ce mois-ci ses achats mensuels d'obligations, les faisant passer de 85 milliards $ US à 75 milliards $ US. La banque centrale a également indiqué qu'elle procéderait à de nouvelles réductions lors de ses prochaines réunions, si l'économie continue de s'améliorer.

- Martin Crutsinger ,THE ASSOCIATED PRESS