À 75 kilomètres au sud de Sherbrooke, Newport voit les millions déferler de façon presque surréaliste.

D'ici 2017, son centre-ville subira une cure de jouvence avec la reconstruction complète d'un pâté de maisons. On construira un nouvel hôtel, une marina, un centre de conférences et une usine biotech dans la ville de 4500 habitants, située sur la rive du lac Memphrémagog.

Un baume pour ce chef-lieu d'une région durement éprouvée par la perte de 7% de tous ses emplois pendant la dernière récession.

«On parle de projets de 200 millions. Ce sera un gros plus pour la création d'emplois», se réjouit le maire Paul Monette, que nous avons rencontré au début du mois de septembre à l'occasion d'un événement sur le programme d'immigrants investisseurs EB-5.

Des capitaux bon marché

EB-5, c'est le programme par lequel les millions tombent sur la ville de Newport. Il s'inspire des programmes d'immigrants investisseurs canadien et québécois.

En échange d'un investissement de 1 million US - ou de 500 000$ dans une région pauvre comme le nord-est du Vermont - qui crée au moins 10 emplois pendant au moins 2 ans, l'investisseur étranger reçoit sa résidence permanente pour lui et sa famille. L'investissement est totalement à risque. La période de détention s'étire sur cinq ans en moyenne.

Le gouvernement fédéral américain délivre 10 000 visas EB-5 par an. La Chine fournit un fort contingent parmi les investisseurs, mais le Canada n'est pas en reste. «Ce sont principalement des snowbirds ou des gens d'affaires qui ne veulent plus perdre de temps à la frontière américaine», explique Brent Raymond, directeur du Vermont's EB-5 Regional Center, qui participait à l'événement.

Cette agence d'État approuve les projets et fait le suivi. Elle accepte environ 1 projet sur 20.

«Depuis 2006-2007, 11 projets totalisant des investissements d'un demi-milliard de dollars ont été réalisés», indique M. Raymond. Quatre projets ont obtenu le feu vert pour solliciter des fonds à l'étranger. Ce travail de commercialisation revient au promoteur. Il s'agit d'une étape cruciale dans la réussite d'un projet, au dire de M. Raymond.

Les premiers investisseurs reverront leur argent

Au Vermont, le gros des projets admissibles est l'oeuvre de Bill Stenger, copropriétaire de Jay Peak, à 20 minutes de Newport. La station de ski, qui appartenait anciennement à Mont-Saint-Sauveur international, s'est transformée en une destination quatre saisons dans les dernières années. Plus de 250 millions y ont été investis. Parmi les 500 investisseurs étrangers qui y ont mis de l'argent, on dénombre 40 Canadiens.

«Nous commencerons à rembourser les 35 premiers investisseurs en janvier prochain, a annoncé Bill Stenger lors de sa présentation au Gateway Center de Newport. Ils ont obtenu leur carte verte. Toutes les conditions ont été levées, et ils ont touché un rendement annuel d'environ 2 à 3% pendant la détention.»

M. Stenger tient à garder ouvert le pipeline qui déverse des capitaux bon marché. Il a lancé la Northeast Kingdom Economic Development Initiative, soit une demi-douzaine de projets d'une valeur de 500 millions. Le Northeast Kingdom englobe trois comtés du nord-est de l'État.

Quelques jours après la conférence, M. Stenger s'envolait d'ailleurs pour la Chine avec le gouverneur de l'État, Peter Shumlin, pour rencontrer des investisseurs. L'homme d'affaires croit récolter de 50 à 75 millions avec ce voyage.

À Newport, on apprend à vivre avec cette manne. «Nous voulons plus d'information sur l'usine biotech pour mieux nous préparer aux emplois et aux occasions d'affaires», a dit Patricia Sears, de l'organisme de participation citoyenne Newport City Renaissance, qui parrainait l'événement avec la Réserve fédérale de Boston.

Des ratés surviennent à l'occasion dans le plan de match de M. Stenger. La société allemande Menck qui devait y bâtir une usine de portes et fenêtres avec l'aide du EB-5 a confirmé fin septembre qu'elle ne viendra pas à Newport.

Néanmoins, les succès de Jay Peak font boule de neige. Les centres de ski Mountain Burke, au Vermont, Saddleback, au Maine, Ragged Mountain Resort et Owl's Nest Resort, au New Hampshire, comptent tous sur l'argent du EB-5 pour se moderniser. Autant de concurrents potentiels pour les stations de ski du Québec.