C'est un paradoxe américain: la fonte du déficit public aux États-Unis a atteint cette année une ampleur sans précédent depuis près de cinquante ans, qui tient davantage aux crises budgétaires qu'à une réelle volonté politique.

Les chiffres publiés mercredi à Washington ont de quoi faire pâlir d'envie nombre de pays européens engagés dans des plans d'économies. Le trou des finances publiques américaines s'est réduit de 37,5 % en un an, ramenant le déficit public des États-Unis de 7,0 % à 4,1 % du produit intérieur brut (PIB), contre plus de 10 % en 2009.

L'administration Obama a toutefois fait profil bas. Le président américain a été lui-même peu disert sur la question, laissant le soin à son secrétaire au Trésor d'assurer le service après-vente.

«Sous le mandat du président (Barack) Obama, le déficit de la nation a reculé au cours des quatre années passées au rythme le plus rapide depuis la Deuxième Guerre mondiale», a noté Jacob Lew, sans toutefois s'attarder sur le recul spectaculaire de cette année.

Les raisons de cette discrétion sont simples: le gouvernement ne souhaitait pas une décrue d'une telle ampleur en 2013, de peur d'entamer une croissance encore convalescente et de freiner la reprise de l'emploi. Mais il n'a guère eu le choix.

Austérité forcée

Faute d'accord entre républicains et démocrates, les dépenses de l'État fédéral ont été, depuis mars, amputées par des coupes automatiques massives, conçues à l'été 2011 lors d'une précédente crise sur la dette dans le seul but de forcer les deux camps à s'entendre. Mais le compromis n'a jamais été trouvé à temps.

Résultat: les comptes publics font apparaître sur l'exercice fiscal 2013, achevé fin septembre, une décrue des dépenses de 2 %, notamment dans les postes de l'armée et de l'éducation, plombant l'investissement public.

«L'administration n'a cessé de répéter que ces coupes étaient trop importantes pour une année et qu'ils n'y étaient pas favorables», rappelle à l'AFP Joseph Gagnon, ancien responsable au Trésor américain.

Jacob Kierkegaard, chercheur au Peterson Institute, va plus loin. Selon lui, la cure d'austérité forcée aux États-Unis pourrait presque être vue comme une «victoire» du camp républicain qui ne cesse de vouloir réduire le train de vie et le périmètre de l'État fédéral.

«On peut dire d'une certaine manière que les républicains ont remporté le débat (...). Ils ont réussi à réduire le déficit public de manière très importante contre la volonté expresse de l'administration Obama», dit-il à l'AFP.

Le camp démocrate ne s'y est pas trompé. Élu à la Chambre des représentants, Chris Van Hollen a appelé jeudi à supprimer «en priorité» des coupes automatiques «destructrices d'emplois» lors des prochaines discussions sur le budget.

Alors que les États-Unis sortent tout juste d'une nouvelle crise sur la dette et le financement de l'État, ils n'en ont pas tout à fait fini avec les coupes budgétaires. Faute de compromis d'ici à janvier, elles devraient se poursuivre en 2014 à plus forte dose, au grand dam de la Banque centrale américaine (Fed) comme du Fonds monétaire international.

Cela serait la pire des choses, assure M. Gagnon, pour qui le remède de cheval administré en 2013 aux finances publiques devrait au moins permettre aux États-Unis de passer à autre chose.

«Nous avons fait une chose stupide et nous avons survécu», conclut-il. «Cela s'apparente aux moments où vous devez faire quelque chose de déplaisant et de douloureux. Peut-être que vous ne le faites pas bien, peut-être que vous le faites trop vite, mais au moins vous n'avez plus à le refaire».