Juste avant d'être diplômé de l'Université du Michigan en 2012, Calvin Schemanski a démarré une startup : avec deux autres étudiants, il a obtenu un bureau gratuit sur le campus et 7500 dollars de financements. Son application de recommandation de restaurants MyFab5 prépare aujourd'hui son lancement national.

Ce projet est l'un des milliers à travers les États-Unis à recevoir le soutien d'incubateurs créés par des universités, avec l'espoir de dénicher l'inventeur du prochain Google ou Facebook.

«Il y a une vraie flambée entrepreneuriale sur le campus», témoigne Calvin Schemanski, âgé aujourd'hui de 23 ans. «C'est un sacrifice» de passer les soirées et les week-ends à travailler sur un projet quand les autres étudiants font la fête ou assistent à des matches de football, mais «il y a un bon réseau de soutien» pour aider les étudiants et les nouveaux diplômés.

Du point de vue de l'université, c'est «une extension éducative qui fournit une formation pratique», juge Vivek Wadha, un entrepreneur du secteur technologique qui coopère dans la recherche avec plusieurs universités. «La probabilité d'un autre Google ou d'un nouveau Facebook est d'une pour 10 000, mais ça ne fait rien. Les étudiants y gagnent beaucoup d'expérience».

Possible jackpot pour les universités

D'après l'Association nationale d'incubation d'entreprises, un tiers des 1195 programmes d'incubateurs de startups en Amérique du Nord a une université comme principal parraineur. En 2006, c'était seulement 20%.

L'opération peut s'avérer payante pour les universités. L'an dernier, elles ont aidé à lancer 705 startups et touché en échange 2,6 milliards de dollars de revenus de licences, selon des données de l'Association des dirigeants technologiques universitaires.

Beaucoup de cet argent est allé à Stanford. Cette université californienne, qui profite de sa proximité avec la Silicon Valley, avait calculé en 2010 avoir jusqu'alors facilité 8000 inventions, ce qui s'était traduit par 1,3 milliard de dollars de royalties. Son investissement le plus fructueux a été d'aider à lancer Google, et elle va redoubler d'efforts avec l'annonce récente d'une allocation de 3,6 millions de dollars pour un accélérateur d'entreprises baptisé StartX.

L'Université du Michigan (nord), qui a aidé à lancer 98 nouvelles entreprises ces dix dernières années, dit avoir porté ses revenus de licences à 14,4 millions de dollars l'an passé, contre 13,8 millions en 2011.

L'Université de Carnegie-Mellon de Pittsburgh, en Pennsylvanie (est), a mis en place pour sa part un «camp d'entraînement pour entrepreneurs» où les étudiants présentent des projets pour tenter de décrocher un financement de 60.000 dollars. Quelque 300 entreprises et 9000 emplois ont été créés dans la région.

Les étudiants sont «des fermiers, pas des vaches à lait»

Au final, ce sont des centaines d'universités, plus au moins prestigieuses, qui ont des programmes pour aider leurs étudiants à concrétiser leurs idées.

«À une époque où le coût de l'éducation universitaire a augmenté beaucoup plus vite que sa valeur, nous avons besoin de nouveaux modèles pour soutenir les universités, autres que les augmentations des frais d'inscription, la recherche financée par l'État, et la générosité des anciens élèves», commente Fred Wilson, un des gérants de la société de capital-risque Union Square Ventures, sur son blogue. «Si les universités sont des fermes, les étudiants pourraient être des fermiers, pas des vaches à lait.»

Dennis Basulto, un consultant auteur d'un livre sur l'innovation, met toutefois en garde contre la destruction d'un système éducatif «centré sur la construction de compétences pour la vie, pas juste l'apprentissage de la manière d'écrire quelques lignes de code» informatique.

«Notre plus grande peur devrait être que les fournisseurs de capital-risque de la Silicon Valley, et le vaste écosystème technologique d'incubateurs, d'investisseurs providentiels et de startups qu'ils ont établies, ne changent pour toujours l'expérience universitaire», écrit-il sur son blogue.

Les liens étroits de Stanford avec la Silicon Valley ont déjà contribué à un changement de dynamique de cette université, souligne d'ailleurs Nicholas Thompson, un journaliste du magazine New Yorker. Pour lui, elle «ressemble maintenant à un incubateur géant avec une équipe de football».