On pourra prendre la mesure cette semaine des inquiétudes de la Réserve fédérale (Fed) américaine suscitées par la foire d'empoigne entre le Congrès et la Maison-Blanche qui reprend de plus belle.

Deux débats acrimonieux iront s'intensifiant et sont susceptibles d'ébranler quelque peu l'expansion économique américaine, dont le rythme est jugé insatisfaisant par les autorités monétaires.

Le premier porte sur les dépenses autorisées pour la prochaine année budgétaire, qui commence le 1er octobre. Les républicains, qui contrôlent la Chambre des représentants, cherchent à diminuer l'enveloppe prévue pour l'entrée en vigueur, le 1er janvier, de l'Affordable Care Act, la réforme de l'assurance maladie rebaptisée Obamacare par ses détracteurs. Son déploiement progressif d'ici 2019 vise à assurer d'une couverture en santé à quelque 32 des 50 millions d'Américains qui n'en détiennent aucune.

Le partage prévu des coûts entre employeurs et employés est susceptible de ralentir la création d'emplois, arguent-ils.

Les démocrates, qui détiennent la majorité au Sénat, soutiennent le président Obama dans cette bataille sur ce qui sera son legs le plus important. M. Obama menace même d'utiliser son veto si on fait obstacle à sa réforme.

Pour donner la mesure de l'opiniâtreté républicaine, la Chambre a adopté la semaine dernière une loi qui, sur 10 ans, diminuera de 39 milliards la valeur des coupons alimentaires distribués aux plus démunis. Selon les données du Bureau du recensement, quelque 46,5 millions d'Américains vivent dans la pauvreté; en gros, 15% de la population.

Si les républicains devaient perdre la bataille sur l'Obamacare de manière déshonorante, ils pourraient se reprendre quelques jours plus tard lorsqu'il faudra aborder l'épineuse question du relèvement du plafond de la dette, fixé à 16 700 milliards, qui sera atteint vers la fin du mois prochain.

Le président souhaite que le relèvement soit jumelé à une réforme fiscale qui reposerait à la fois sur des coupes budgétaires et une fiscalité accrue pour les entreprises et les revenus élevés, axée sur l'élimination d'innombrables échappatoires. Les républicains veulent uniquement des coupes dans les dépenses de programmes.

Bref, il existe une réelle possibilité que le gouvernement doive fermer, comme cela s'était passé durant quelques semaines sous l'administration Clinton (où la Chambre était aussi sous le contrôle des républicains).

Ce nouveau psychodrame viendrait s'ajouter à la ponction fiscale accrue sur les revenus des ménages et à des coupes budgétaires aveugles entrées en vigueur le 1er avril, faute d'entente au Congrès.

À la clé, c'est le rythme d'expansion de l'économie américaine qui va encore ralentir. Il a été décevant au printemps, sans doute aussi durant l'été, au point que la Fed a diminué de trois dixièmes son scénario de croissance pour 2013 et 2014, sans relever celui de 2015. Pis, elle juge désormais que 2016, soit neuf ans après le début de la Grande Récession, ne sera pas brillante non plus.

Toutes ces perspectives ne sont guère de nature à stimuler la création d'emplois et l'investissement privé des deux côtés de la frontière.

Ironiquement, la douche froide administrée par la Fed mercredi aura complètement éclipsé le message d'optimisme prudent lancé par le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, presque au même moment.

«Nous avons bon espoir que l'intensification de la demande étrangère, surtout en provenance des États-Unis, contribuera à renforcer la confiance des chefs d'entreprise et des exportateurs canadiens. Nous anticipons l'émergence de nouveaux produits, de nouveaux processus, de nouvelles structures et de nouvelles industries», a-t-il conclu devant la chambre de commerce de Vancouver. Il y devisait d'un retour prochain de l'économie canadienne à une croissance naturelle fondée sur la confiance et la création d'entreprises.

Malheureusement, le dysfonctionnement du Congrès viendra encore retarder quelque peu cet état de grâce.