Le scénario sent le réchauffé, mais la menace est réelle: Barack Obama et le Congrès américain n'ont plus que quelques semaines pour éviter une crise budgétaire et un défaut de paiement, que tous s'accordent à qualifier de potentiellement gravissime.

Deux votes cruciaux pour l'économie américaine doivent impérativement avoir lieu d'ici octobre: le budget de l'exercice 2014, qui débute le 1er octobre, et le relèvement de la limite légale de la dette avant la mi-octobre.

Mais les adversaires républicains du président entendent profiter de la convergence des échéances et conditionner tout compromis à deux exigences. La première tient à une réduction à long terme des dépenses sociales (retraites, santé, lutte contre la pauvreté).

Leur seconde condition: couper les fonds de la réforme phare de la santé votée en 2010, surnommée «Obamacare». Les Américains non assurés qui souhaitent souscrire à une couverture maladie subventionnée pourront s'inscrire sur internet à partir du 1er octobre.

La bataille illustre les limites de la cohabitation entre démocrates et républicains, et l'incapacité du système politique américain à résoudre durablement les défis budgétaires du pays.

«Il n'y aucune nouvelle idée, aucune bonne idée», déplore Richard Kogan, ancien collaborateur démocrate de la commission du Budget de la Chambre des représentants, aujourd'hui spécialiste du budget au Center on Budget and Policy Priorities. «Le processus politique normal n'est pas adapté à la résolution des problèmes, il favorise la paralysie».

La Maison-Blanche et le Sénat sont contrôlés par les démocrates, tandis que la Chambre des représentants est depuis janvier 2011 aux mains des républicains. Contrairement au Parlement français, les deux chambres du Congrès sont égales.

Le 1er octobre, sans vote d'un nouveau budget, l'État fédéral sera légalement contraint de fermer certains services jugés non essentiels. C'est le «shutdown»: des centaines de milliers de fonctionnaires priés de rester chez eux sans paie, des parcs et musées nationaux fermés... A Noël 1995, l'échec des négociations entre le président Bill Clinton et la majorité républicaine avait provoqué trois semaines de fermeture.

Un combat «titanesque»

Mi-octobre, le plafond légal de la dette sera atteint. Anomalie politique pour beaucoup d'experts, la responsabilité de définir le niveau maximal d'endettement public incombe au Congrès, qui doit voter une loi fixant le nouveau montant chaque fois qu'il est sur le point d'être dépassé par le Trésor.

«La limite légale de la dette est une loi ridicule, c'est une loi qui rend illégal le fait d'emprunter de l'argent pour faire des paiements que l'État est légalement requis de faire», soupire Richard Kogan.

Le chantage a déjà été employé avec succès en 1985, contre Ronald Reagan, et dans une moindre mesure en août 2011.

«Notre but est de stopper Obamacare. Notre but est de réduire les dépenses», a justifié lundi John Boehner, président de la Chambre, lors d'une réunion publique dans l'Idaho, selon un journal local. «Ça a peut-être l'air injuste, mais j'essaie d'utiliser le levier du processus politique pour obtenir plus de changements que si on le laissait à lui-même. Le combat va être titanesque».

Les démocrates sont consternés par cette stratégie de la corde raide.

«Les républicains évoquent l'idée de faire fermer l'État», s'est lamenté Barack Obama vendredi sur CNN. «Tout ça parce que les Républicains, après avoir voté 40 fois pour essayer de se débarrasser d'Obamacare, voient cela comme un dernier soubresaut».

Un scénario envisagé, selon plusieurs médias et experts, consiste à repousser de quelques semaines les échéances en votant une loi budgétaire temporaire, ce qui donnerait aux parlementaires plus de temps pour négocier un compromis. Une solution qui causerait un important dommage collatéral: le report de plusieurs mois de l'autre dossier urgent de la rentrée, la réforme de l'immigration.