Wall Street faisait grise mine mercredi, doutant, au lendemain de la réélection du président Barack Obama et d'un Congrès divisé, de la capacité des dirigeants politiques américains à s'entendre pour répondre à temps à la menace imminente d'un «mur budgétaire».

En chute libre à la mi-séance, les grands indices affichant tous des reculs de plus de 2%, la Bourse de New York exprimait mercredi avec une grande clarté son malaise après la réélection mardi soir du président démocrate et le renouvellement d'un Congrès divisé.

La Chambre des représentants est restée acquise aux républicains, le Sénat sous la coupe des alliés démocrates du président, une configuration qui restera en place jusqu'en janvier 2015 après avoir placé les États-Unis plusieurs fois au bord de la crise budgétaire, voire institutionnelle, depuis 2011.

«Wall Street est une éternelle optimiste. Mais là, il semble qu'elle commence à perdre espoir», note Hugh Johnson, de Hugh Johnson Advisors.

En dépit de discours politiques se voulant apaisants, «lorsqu'on lit entre les lignes», les dirigeants américains «continuent de jouer au chat et à la souris», a-t-il regretté.

Le chef de file des républicains au Sénat, «Mitch McConnell, a invité M. Obama à prendre à bras le corps les problèmes politiques du moment et à retrouver le parti républicain vers le centre», continue M. Johnson, citant un communiqué de M. McConnell publié mercredi.

«Mais il ne semble pas que M. Obama soit disposé à emprunter la route des compromis», a-t-il noté, au lendemain d'un discours de victoire du président jugé initialement conciliant.

Or, les escarmouches incessantes entre le Congrès et l'exécutif inquiétaient les investisseurs à moins de deux mois du fameux «mur budgétaire», l'entrée en vigueur automatique au 1er janvier, faute d'accord politique, de baisses draconiennes de dépenses et de hausses d'impôts, qui menacent de faire retomber les États-Unis en récession.

Ces craintes d'un étranglement du budget fédéral américain, déjà vives sur le marché depuis quelques mois, étaient accentuées par la déception des courtiers qui avaient espéré que les élections de mardi apportent davantage de cohérence politique au sommet.

Mais le «président Obama est toujours président et le Congrès est toujours divisé», résume Patrick O'Hare, de Briefing.com.

Seul lot de consolation parmi les opérateurs: le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, dont le champion républicain n'avait pas caché vouloir se séparer, en cas d'élection, reste en place.

«Il est la seule continuité que le marché» appelait de ses voeux, souligne Stéphane Ventilato, courtier pour Banca IMI Securities à Wall Street.

«C'est la seule chose sur laquelle nous pouvons rester rassurés: la politique monétaire actuelle devrait rester identique à horizon prévisible», ajoute-t-il.

Même soupir de soulagement chez M. Johnson, pour qui il est réconfortant d'«avoir un historien à Washington» en la personne de M. Bernanke, spécialiste reconnu de la Grande Dépression traversée par les États-Unis à la suite du krach boursier de 1929.

«Il faut se rappeler des années 1937 et 1938 et comprendre que l'on ne peut pas tomber dans le piège de l'austérité budgétaire, d'une hausse d'impôts et d'une baisse des dépenses en ce moment», au risque de saper la fragile reprise économique et de mettre à mal une croissance mondiale encore convalescente, ajoute l'expert.

Avec M. Obama reconduit, «le mandat de M. Bernanke risque d'être renouvelé en janvier 2014», ce qui devrait atténuer d'éventuelles mesures de restriction budgétaire, estiment les experts de Nomura.

La perception d'un maintien du concours financier énorme apporté par la banque centrale à l'économie américaine «tranquillise les investisseurs au sujet des perspectives de la croissance américaine et des taux d'intérêt», qui sont historiquement bas, ajoutent-ils.