Nos voisins se rendent aux urnes pour élire leur président et, pour nombre d'entre eux, leurs représentants et leurs sénateurs qui entreront en fonction le 20 janvier.

Entre-temps, les élus sortants du Congrès auront à faire la preuve qu'ils peuvent aller au-delà de leur rigide ligne partisane afin d'empêcher les États-Unis de rechuter en récession.

On commence cependant à en douter et à s'en inquiéter.

Le risque de collision frontale est très réel, comme s'en sont inquiétés les ministres des Finances du G20 et les banquiers centraux, réunis au Mexique durant le week-end.

«À court terme, la situation américaine est un risque plus grand que l'Europe», a lancé le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty.

Il ne s'agit pas d'une mince affirmation. Elle vient de l'argentier d'un pays qui ne s'est pas gêné par le passé pour faire la leçon aux Européens, aux prises pourtant avec une crise budgétaire autrement plus complexe à gérer que celle des États-Unis.

Deux problèmes

La classe politique américaine doit se montrer capable de résoudre deux problèmes d'ici quelques mois.

En premier lieu, aplanir le mur budgétaire de 607 milliards US sur lequel foncent les États-Unis, avant le 1er janvier.

Le mur budgétaire (fiscal cliff) est la somme des hausses d'impôt, ou plutôt de la fin des baisses d'impôt, et des coupes budgétaires automatiques qui doivent entrer en vigueur le 1er janvier, si le Congrès ne parvient pas à s'entendre pour moduler autrement une réduction des dépenses et une augmentation du fardeau fiscal.

Ce mur de 607 milliards US réduirait la croissance du produit intérieur brut (PIB) américain de 3,9% en 2013, selon le Congressional Budget Office. Le Fonds monétaire international estime la ponction à 4,0%, soit le double du rythme de croissance annualisé de l'économie américaine au troisième trimestre.

Bref, ce serait une rechute en récession, qui fragiliserait la reprise mondiale. Elle compromettrait aussi sérieusement l'expansion canadienne qui montre des signes inquiétants d'essoufflement.

En second lieu, les élus devront convenir d'un nouveau relèvement du plafond de la dette fixé depuis l'été 2011 à 16 394 milliards US.

Celle-ci atteint désormais la bagatelle de 16 022 milliards US. Le plafond sera atteint au plus tard cet hiver, et risque d'entraîner comme durant l'été 2011 une paralysie de l'État et une nouvelle crise politique.

La dette qui inquiète

La dette a de quoi inquiéter les élus alors que l'administration de Bill Clinton avait bouclé plusieurs budgets excédentaires d'affilée qui avaient permis de commencer à la rembourser.

Elle équivaut désormais à la taille de la première économie du monde, ou 100% de son PIB. On estime à 70% la portion de cette dette qui est contractée sur les marchés, c'est-à-dire détenue par des gestionnaires de portefeuille ou des banques centrales, dont la Réserve fédérale. L'autre partie est aux mains du gouvernement américain par l'entremise de divers programmes ou institutions.

«Dans le cas où le fiscal cliff ne surviendrait pas, la dette publique fédérale [contractée sur les marchés] passerait d'environ 70% du PIB réel à 90% d'ici 10 ans avec des déficits qui ne passeraient jamais sous les 800 milliards US», rappelle Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins. Il vient de signer une étude méticuleuse des enjeux économiques et des propositions des candidats à la présidence.

Des marchés patients

Si les marchés financiers se montrent jusqu'ici très patients (ont-ils le choix?), viendra un seuil où ils exigeront davantage pour empiler des titres de dette. Les États-Unis ne pourront pas toujours abuser de leur statut de refuge de capitaux.

Pour la cinquième année d'affilée, le déficit budgétaire de 2012 (terminé le 30 septembre) a dépassé les 1000 milliards US. Moins on le diminuera en 2013, plus il faudra mettre les bouchées doubles par la suite.

Évidemment, les propositions de chaque candidat divergent largement, mais les deux conviennent qu'il faut aplanir le mur pour ne pas entraver trop sévèrement la croissance à court terme. Cela se fera au prix de compressions budgétaires et de hausses d'impôt qui iront grandissant au cours de la décennie.

La solution n'est pas simple. Les Américains sont divisés sur la marche à suivre autant que les élus chez qui on ne sent aucune volonté de compromis au nom des intérêts supérieurs de la nation.

Expansion modérée

Cette impasse budgétaire survient à un bien mauvais moment. L'économie américaine est toujours en expansion modérée.

Plusieurs indicateurs laissent même entrevoir une certaine accélération: chiffres plus encourageants sur la création d'emplois, confiance accrue des consommateurs, progression des ventes des détaillants (des concessionnaires d'autos en particulier), stabilisation du prix des maisons sur le marché de la revente.

En d'autres temps, on aurait jubilé. Ces jours-ci, on se demande plutôt comment continuer d'avancer sans hypothéquer l'avenir de manière irréparable.