Pour la première fois sans doute depuis l'été, les intervenants sur les marchés ne s'attendent pas à ce que la Réserve fédérale annonce aujourd'hui de nouvelles mesures pour stimuler la croissance ou le crédit.

Cependant, une troisième ronde de détente quantitative, axée sur la relance du marché de l'habitation, est certes une possibilité que son président Ben S. Bernanke avait lui-même évoquée lors de sa conférence de presse du 25 janvier.

Cette journée-là, la Fed avait montré un certain pessimisme en révisant à la baisse ses prévisions de croissance pour 2012 et 2013, pourtant bien en deçà de la moyenne historique de 3,2%. Elle les avait ramené d'une fourchette de 2,5-2,9% à 2,2-2,7% pour l'année en cours et de 3,0-3,5% à 2,8-3,2% pour l'an prochain.

Voilà pourquoi elle s'était aussi engagée à ne pas bouger son taux directeur avant la fin de 2014, au plus tôt. Depuis décembre 2008, il fluctue dans une fourchette de 0 à 0,25%.

Si 2013 sera marqué par l'entrave à la croissance qu'exercera une ponction fiscale accrue, force est de constater que les données publiées depuis la dernière réunion de la Fed attestent que la première économie du monde s'améliore beaucoup.

La croissance annualisée du quatrième trimestre a été portée d'une première estimation de 2,8% à 3,0%. Depuis, la forte augmentation des ventes de voitures en novembre et en décembre laisse croire que ce chiffre sera sans doute encore augmenté au moment de la publication des chiffres finals, le 29 mars.

Il s'est créé 227 000 emplois le mois dernier et 284 000 en janvier, aux États-Unis. La séquence des six derniers mois à ce chapitre est la meilleure depuis 2006, selon les chiffres du département du Travail.

À 8,3%, cependant, le taux de chômage officiel reste très élevé. Il camoufle un taux d'inactivité beaucoup plus élevé de la population de 16 ans et plus, inacceptable aux yeux des autorités monétaires.

À la différence de la Banque du Canada qui cible seulement l'inflation, la Fed a aussi le mandat de stimuler l'emploi au maximum.

Et de l'avis de plusieurs, si elle doit choisir entre ces deux objectifs parfois inconciliables quand on fixe le taux directeur, elle privilégiera la lutte contre le sous-emploi à la stabilité relative des prix.

D'ici à la fin de 2014, il est bien possible que le coût de la vie continue d'augmenter plus vite que la cible annuelle de 2% qu'elle s'est désormais fixée.

La poussée indue des prix de l'essence, attribuable à la fois à des facteurs géopolitiques (Iran, Syrie) et logistiques (engorgement des lieux de stockage à Cushing, en Oklahoma), ne fait pas que nourrir l'inflation. Elle ampute aussi une partie du budget de dépenses discrétionnaires des ménages. Cela peut essouffler la croissance, qui repose encore surtout sur la consommation, et la création d'emplois.

Passer à une nouvelle ronde de détente quantitative exigerait cependant que cet essoufflement soit palpable au point où la Fed se sente obligée d'intervenir.

D'autant que la deuxième ronde qui a pris fin en juin a donné des résultats pour le moins discutables. Durant six mois, la Fed avait acheté quelque 600 milliards de Treasuries, grosso modo l'équivalent du déficit budgétaire de cette période.

La première ronde de détente quantitative, évaluée à quelque 1700 milliards, portait sur l'achat de différents types de créances adossées à des actifs dans le but de dégeler le crédit.

En revanche, il faut s'attendre à ce que la Fed réitère son intention de poursuivre son opération Twist, annoncée en septembre. Elle consiste à troquer d'ici juin quelque 400 milliards en obligations gouvernementales de courte durée contre d'autres d'échéance de 6 à 30 ans.

Elle va aussi maintenir sa politique de réinvestissement du principal et des intérêts de ses titres hypothécaires arrivés à échéance dans de nouveaux titres de même nature. Elle continuera d'acheter de nouveaux Treasuries avec le produit de ceux arrivés à terme.

Enfin, il faut s'attendre à ce que Jeffrey M. Lacker, président de la Réserve fédérale de Richmond et membre votant du Comité de politique monétaire cette année, exprime de nouveau sa dissidence. Il s'oppose à l'engagement de la Fed à ne pas hausser avant si longtemps son taux directeur.