À un an des élections présidentielles, Barack Obama doit composer avec une économie en difficulté et surtout, un taux de chômage élevé. Trop élevé pour espérer être réélu?L'histoire tend à démontrer que oui, mais c'est sans compter un politicien d'exception qui fait face à des défis économiques inédits depuis la Grande Dépression.

Barack Obama ne connaît pas encore son rival républicain à l'élection présidentielle dans un an. Mitt Romney? Rick Perry? Herman Cain? Peu importe, son adversaire le plus dangereux risque d'être le taux de chômage.La Réserve fédérale américaine prévoit un taux de chômage de 8,5% en novembre 2012, comparativement à 9,0% actuellement mais à 6,8% quand Barack Obama a battu John McCain à l'élection présidentielle de novembre 2008. Trois ans plus tard, les États-Unis comptent 3,4 millions de chômeurs de plus. «Si le président Obama est défait, ce sera à cause de l'économie», dit Enrico Moretti, professeur d'économie à l'Université Berkeley en Californie, qui prépare un livre sur la création d'emploi aux États-Unis.

Selon le politicologue Pierre Martin, aucun président américain n'a été élu avec un taux de chômage supérieur à 7,2% depuis Franklin Roosevelt dans les années 1930 (16,6% en 1936 et 14,6% en 1940). Gerald Ford (7,8% en 1976), Jimmy Carter (7,5% en 1980) et George H. Bush (7,4% en 1992) ont tous mordu la poussière aux élections avec un taux de chômage supérieur à 7%. Ronald Reagan, lui, a été réélu en 1984 avec un taux de chômage passé de 7,5% à 7,2% durant son premier mandat.

S'il est généralement un bon indicateur de l'humeur des électeurs, le taux de chômage ne garantit pas les résultats d'une élection, prévient Pierre Martin. «Al Gore a perdu en 2000 malgré une baisse du chômage durant le deuxième mandat de Clinton, George W. Bush a été réélu de façon plus convaincante en 2004 malgré une hausse du chômage, dit le professeur de l'Université de Montréal. Le meilleur indicateur économique pour prédire une élection est plutôt la situation économique des Américains les plus riches, qui participent le plus aux élections, fournissent le plus de contributions électorales et ont le plus de chance d'être des leaders d'opinion.»

Bien avant Barack Obama

À la décharge de Barack Obama, l'état de l'économie américaine s'est amélioré durant sa présidence. Le seul ennui pour le président: ces progrès ne se sont pas complètement traduits sur le marché de l'emploi, qui n'a gagné que 80 000 places le mois dernier pour faire baisser le taux de chômage de 9,1% à 9,0%. Depuis un an, l'économie américaine n'a créé en moyenne que 125 000 emplois par mois.

En janvier 2009, les conseillers économiques du président estimaient pourtant que le taux de chômage serait de 6,5% à la fin de l'année 2011 et de 5% à la fin de l'année 2012 si le Congrès adoptait son plan de relance de 775 milliards. Le plan de relance a été adopté, mais le taux de chômage est resté plus élevé que prévu. Le taux officiel est actuellement à 9,0% mais il grimpe à 16% en tenant compte des travailleurs disponibles n'ayant pas fait de demande d'emploi depuis un an et des travailleurs à temps partiel disponibles pour un emploi à temps plein.«Avant, on disait que si l'économie était en croissance, les emplois allaient venir. Ce n'est peut-être plus vrai», dit James Manyika, associé de la firme de consultants McKinsey & Company à San Francisco et membre du comité consultatif sur l'innovation mis sur pied par le secrétaire américain du Commerce, Gary Locke.Selon James Manyika, les problèmes de création d'emploi aux États-Unis ont commencé bien avant l'élection de Barack Obama. De 2000 à 2007, les États-Unis n'ont créé que 9,2 millions d'emplois (dont 1,2 million liés à la bulle immobilière), soit le taux de création d'emploi le plus faible depuis la Grande Dépression, selon un rapport sur l'emploi publié en juin dernier par McKinsey & Company. «La récession expose d'une façon très douloureuse un problème qui était déjà présent dans l'économie américaine», dit James Manyika.

À qui la faute?

Entre les années 40 et 90, l'économie américaine prenait généralement six mois pour récupérer les emplois perdus durant une récession. Il a fallu 15 mois durant la récession de 1990-1991 ayant causé en partie la défaite de George H. Bush contre Bill Clinton. Puis 39 mois en 2001. Cette fois-ci, McKinsey & Company estime qu'il faudra plus de 60 mois à l'économie au rythme actuel pour combler les millions d'emplois perdus. «Ce phénomène a commencé dans les années 1990 et ce n'est la faute d'aucun président en particulier», dit James Manyika.

Peu importe à qui la faute, c'est Barack Obama qui affrontera l'électorat américain dans un an avec un taux de chômage historiquement élevé. Depuis septembre, le président tente de faire adopter son plan pour l'emploi par le Congrès contrôlé par les républicains. Dans son plan de 447 milliards sur 10 ans financé en partie par un impôt de 5,6% pour les contribuables gagnant plus de 1 million par année, Barack Obama propose notamment de réduire l'impôt sur la masse salariale, d'instaurer un crédit d'impôt pour les entreprises qui engagent des chômeurs et de prévenir la mise à pied de 280 000 enseignants.

Mais le Congrès, contrôlé par les républicains depuis les élections de 2010, ne veut rien entendre. De toute façon, il est peut-être déjà trop tard pour le rendez-vous électoral de novembre 2012. «La plupart des gens surestiment grandement la capacité du gouvernement fédéral de modifier un cycle économique à court terme», dit Enrico Moretti, professeur d'économie à l'Université Berkeley en Californie.

Sans levier économique, Barack Obama, dont le taux de satisfaction se situe entre 45% et 50% selon les sondages, se dirige-t-il vers une défaite électorale? «Il faut s'attendre à ce qu'il soit battu, car l'état de l'économie s'annonce mal, il a peu d'outils pour stimuler la croissance économique et son taux d'approbation est autour de 45%, dit Pierre Martin. Les électeurs blâment généralement le président dans ces cas-là, mais à force de résister aux demandes d'action du président Obama, les républicains du Congrès pourraient finir par prendre le blâme cette fois-ci.»

La réponse aux urnes dans un an.