Le record du déficit commercial des États-Unis avec la Chine, battu en août, montre qu'il n'y a pas de moyen facile pour combler ce trou qui n'a cessé de grandir au fil des ans avec l'aide du yuan, sa monnaie jugée sous-évaluée.

Le déficit a atteint un pic à 29,0 milliards de dollars sur le mois, dépassant les 28,2 milliards d'août 2010.

Il est parti pour battre largement en 2011 le record de l'année 2010 (273,1 milliards de dollars), puisque sur les huit premiers mois de l'année, il a gonflé de 9% en un an.

La nouvelle devrait donner des arguments de plus aux partisans d'une proposition de loi pour pénaliser les partenaires commerciaux des États-Unis dont la monnaie serait nettement sous-évaluée.

Adoptée mardi par le Sénat, vivement critiquée par Pékin, elle ne devrait cependant guère aller plus loin: la Chambre des représentants n'a pas prévu de la voter dans ces termes, et le président Barack Obama s'inquiète de son incompatibilité avec les obligations internationales du pays.

Le déséquilibre des échanges entre les deux plus grandes économies mondiales est un sujet débattu depuis de longues années à Washington.

La classe politique américaine s'accorde sur deux choses: le yuan est nettement sous-évalué, et le marché chinois n'est pas suffisamment ouvert aux exportations américaines.

«La Chine a été très offensive pour fausser le système des échanges commerciaux à son avantage et aux dépens d'autres pays, en particulier les États-Unis. Et la manipulation du taux de change en est un exemple, ou du moins les interventions sur les marchés des changes», déclarait M. Obama le 6 octobre.

Reste une question sensible: faut-il sanctionner Pékin au risque d'une «guerre commerciale»?

Pour Nicholas Lardy, économiste au Peterson Institute à Washington, les grandes entreprises américaines sont unanimes: le jeu n'en vaut pas la chandelle. «Elles ne se soucient pas tant du taux de change puisqu'elles produisent en Chine .... Elles sont inquiètes des conséquences politiques», considère-t-il.

Les économistes sont partagés sur l'efficacité qu'auraient des sanctions.

Certains y croient, comme le libéral Peter Morici, d'après qui l'imposition de droits de douane punitifs contre la Chine «augmenterait la production américaine et créerait des emplois», ou le keynésien Paul Krugman, qui martèle que «la politique de taux de change chinoise compte réellement pour l'industrie des États-Unis».

D'autres soulignent que l'affaire est beaucoup plus compliquée, rappelant que les États-Unis ont largement délaissé des secteurs industriels où la Chine est devenue numéro un, et que la compétitivité de l'économie américaine dépend aussi de la capacité d'entreprises comme General Electric ou Apple à fabriquer leurs produits à bas prix en Chine.

Dani Rodrick, professeur à Harvard, rappelait mercredi que si Milton Friedman pouvait s'émerveiller en 1980 de voir le bon fonctionnement d'un marché mondialisé des biens dans la variété des origines des composants d'un crayon, aujourd'hui la Chine fabrique des crayons de A à Z. Sa domination dans ce produit ne serait probablement pas remise en cause par des droits de douane.

De plus, Pékin persiste, malgré les soubresauts de la conjoncture, à laisser le cours du yuan monter comme sa banque centrale l'a annoncé en juin 2010. Depuis, il a grimpé de 7%, avec un plateau depuis la mi-août.

Le yuan «continuera sur la voie de son appréciation progressive. Seule une répétition de la crise financière de 2008 l'écarterait de ses rails», estime Alistair Thornton, économiste du cabinet américain IHS Global Insight à Pékin.