Le Sénat américain a approuvé mardi un projet de loi visant à pénaliser la Chine, soupçonnée de manipuler sa monnaie afin de gonfler ses exportations, malgré les réticences de la Maison Blanche et la colère de Pékin.

Les élus du Sénat, à majorité démocrate, ont adopté ce texte par 63 voix contre 35. Mais la Chambre des représentants n'a pas prévu de se prononcer sur le texte, car les chefs de la majorité républicaine craignent une guerre commerciale avec Pékin. Le président de la Chambre, John Boehner, a déjà affirmé récemment qu'un tel projet était «dangereux».

Le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, a estimé mardi soir sur Bloomberg TV que les sénateurs «n'avaient pas» déclenché de guerre commerciale avec la Chine en adoptant ce texte.

Mais il a répété que l'administration Obama ne soutenait pas le projet de loi dans son ébauche actuelle, dont plusieurs dispositions seraient selon lui «en contradiction» avec les obligations des Etats-Unis à l'Organisation mondiale du Commerce (OMC).

A l'approche de la présidentielle de novembre 2012, les partisans du texte soutiennent que l'économie américaine, avec son taux de chômage à 9,1%, souffre d'une sous-évaluation de la monnaie chinoise. Avec ce projet de loi, les sénateurs cherchent à pousser le Trésor à accuser formellement Pékin de manipuler sa monnaie. Ils prévoient des sanctions le cas échéant.

Les règles de l'OMC prévoient pour les Etats membres la possibilité de sanctionner un partenaire commercial dont les exportations sont subventionnées. Mais ces statuts ne mentionnent pas explicitement la sous-évaluation d'une monnaie et les interprétations divergent pour savoir si le taux de change entre dans ce cadre juridique ou non.

La semaine dernière, le président avait toutefois accusé la Chine de «fausser» les échanges commerciaux mondiaux en intervenant pour faire baisser la valeur du yuan.

Les accusations visant le yuan et sa position très faible face au dollar --donnant un avantage à des marchandises chinoises pouvant aller jusqu'à 30% face aux produits équivalents américains-- sont peu disputées à Washington.

Mais les opposants au projet de loi affirment qu'une augmentation du taux de change du yuan ne ferait que créer des emplois dans des pays comme le Vietnam ou la Malaisie, pas aux Etats-Unis. Ils estiment aussi qu'une hausse du prix des marchandises importées de Chine se fera au détriment du consommateur américain.

Les partisans du texte affirment qu'il est temps de s'en prendre à Pékin et qu'une hausse du yuan pourrait favoriser un pouvoir d'achat plus élevé en Chine, donc davantage d'exportations américaines.

Le sénateur démocrate Sherrod Brown de l'Ohio (centre), un Etat aux usines durement touchées par la récession, a estimé que les Etats-Unis avaient jusqu'à présent fait preuve de faiblesse devant la Chine, comparant la politique commerciale américaine à un «désarmement unilatéral» face à Pékin.

La banque centrale chinoise a décidé en juin 2010 de laisser le cours du yuan flotter plus librement par rapport au dollar, après l'avoir maintenu quasi fixe pendant deux ans. Depuis, il s'est apprécié de quelque 7%.

L'exécutif américain s'est toujours refusé, depuis une dévaluation brutale en 1994, à considérer que la Chine se livrait à une «manipulation» de sa monnaie.

La semaine dernière, Pékin s'est déclaré «fermement opposé» à la proposition de loi américaine qui, selon porte-parole de la diplomatie chinoise Ma Zhaoxu, «viole gravement les règles de l'OMC et nuit gravement aux relations commerciales sino-américaines».