«Mon message aux clients de Bank of America est le suivant: foutez le camp de cette banque!»

Dick Durbin, sénateur de l'Illinois, n'a pas mâché ses mots, lundi: il a qualifié le comportement de la plus grande banque des États-Unis de «scandaleux, stupide et avare».

À l'origine de sa colère? La décision de Bank of America d'imposer des frais mensuels de 5$ à ses clients pour la simple utilisation de leur carte de débit dans un commerce.

L'annonce, vendredi, de cette nouvelle politique a provoqué une onde de choc aux États-Unis. Sur le Net, des clients outrés ont annoncé qu'ils fermaient leur compte. Une journaliste de Fox News a découpé sa carte de débit Bank of America en ondes.

Molly Katchpole, 22 ans, a lancé une pétition en ligne. Cette cliente de la banque a jusqu'ici récolté 133 000 signatures de gens en provenance des 50 États américains.

Les frais de 5$ «représentent la goutte qui fait déborder le vase», explique-t-elle.

«Quand la récession a frappé, nous avons donné des milliards de dollars à Bank of America, dit-elle en entrevue téléphonique. Qu'est-ce que nous avons en retour? Une hausse des frais de 60$ par année.»

Diplômée universitaire de Washington, Mme Katchpole dit devoir occuper deux emplois à temps partiel pour pouvoir joindre les deux bouts. «Pour moi, chaque dollar compte. Si Bank of America ne revient pas sur sa décision, je vais fermer mon compte et en ouvrir un autre dans une banque coopérative.»

«Puissantes et arrogantes»

Les autres grandes banques américaines entendent aussi augmenter leurs frais. Citibank vient d'annoncer l'imposition de frais mensuels de 10$ pour les clients qui ont moins de 1500$ dans leur compte. Au final, les frais annoncés ne sont pas très élevés, quelques cents par jour tout au plus. Mais la question semble avoir touché une corde sensible chez la population, qui paie depuis des années pour une crise économique en partie créée par la spéculation excessive à Wall Street.

En entrevue au réseau ABC, cette semaine, le président Barack Obama a pris part au débat en accusant Bank of America de dépasser les limites.

«Nous pouvons mettre un terme à cela en disant aux banques: «Votre droit au profit n'est pas inéluctable, si vous traitez mal vos clients, vous devez changer.»»

Les mots du président ont provoqué la colère du président de l'Association américaine des banquiers, Frank Keating.

«C'est décevant, et même inquiétant, de voir le président attaquer les entreprises privées qui tentent de s'adapter à un nouvel environnement où le gouvernement dicte la marche à suivre et contrôle les prix», a-t-il dit.

Les banques disent agir de la sorte pour contrecarrer les effets de la nouvelle loi Dodd-Frank, entrée en vigueur le 1er octobre. Celle-ci fixe notamment un plafond pour les frais d'utilisation prélevés à chaque utilisation d'une carte de débit, frais qui étaient jugés excessifs par les membres du Congrès américain.

Selon John Tschohl, président du Service Quality Institute et consultant spécialisé dans le service à la clientèle, la décision des banques montre que celles-ci ne craignent plus de froisser leur clientèle.

«Les grandes banques agissent comme si elles avaient le monopole, explique-t-il par courriel. Elles sont devenues si puissantes et arrogantes qu'elles pensent contrôler le marché. C'est pour cela que leur service à la clientèle est si pitoyable. Je crois qu'elles viennent de commettre une grave erreur: les gens en ont assez.»

Pour l'heure, les nouvelles mesures des banques profitent aux banques coopératives (credit union), qui font face à un déluge d'ouvertures de compte. La Navy Federal Credit Union, plus grande banque coopérative du monde avec 3,7 millions de membres, a ouvert 3200 nouveaux comptes durant la journée de samedi, un record.