Compte tenu de l'affaiblissement inquiétant de la reprise, le Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine s'engage à garder son taux directeur dans une fourchette de 0% à 0,25%, au moins jusqu'au milieu de 2013.

Cette décision inusitée a été prise sur division, 3 membres du Comité sur 10 s'étant opposés à ce qu'on précise la durée d'un tel engagement. Depuis que le taux directeur a été abaissé dans cette fourchette, jusque-là inédite, en décembre 2008, les annonces de la Fed indiquaient seulement que ce taux exceptionnellement faible allait être maintenu pendant une «durée étendue».

C'est cette formulation que les dissidents auraient voulu maintenir.

Il s'agit de la plus forte dissension depuis l'entrée en fonction du président actuel de la Fed Ben S. Bernanke, en février 2006.

Le communiqué précise que le Comité a aussi discuté des autres outils à sa disposition, susceptibles de stimuler la croissance, sans préciser ni lesquels ni un quelconque calendrier de mise en place.

La Fed indique cependant qu'elle va continuer de maintenir la taille de son bilan en utilisant le principal et les intérêts des titres qu'elle détient déjà et qui viennent à terme. Cela signifie des achats d'obligations du gouvernement américain à hauteur d'environ 100 milliards par mois.

Depuis 2008, la valeur du bilan de la Fed a triplé à hauteur de 2870 milliards.

«Tant de dissensions soudaines présagent une paralysie dans la politique monétaire à un bien mauvais moment, juge Derek Holt, économiste principal chez Scotia Capitaux. Cela fixe aussi la barre bien haut avant que la Fed puisse lancer d'autres mesures concrètes.»

Dans les minutes suivant l'annonce de la décision, les grands indices boursiers ont effacé les gains substantiels enregistrés durant la matinée après leur plongée en piqué de la veille. Ils ont par la suite amorcé une robuste remontée.

Le billet vert a aussi reculé par rapport à la plupart des autres monnaies. Devant le huard, il a reculé de plus d'un cent même si le gel du taux directeur affaiblit considérablement la volonté de la Banque du Canada de normaliser son propre taux, fixé à 1% depuis septembre dernier.

«Jusqu'ici cette année, la croissance économique est considérablement plus lente que ce à quoi le Comité s'attendait, lit-on dans le communiqué. Seuls les investissements des entreprises en équipement et logiciels restent en expansion. Le Comité anticipe désormais un rythme plus lent de la reprise au cours des prochains trimestres et un recul plus graduel du taux de chômage que ce à quoi il s'attendait lors de sa réunion précédente [les 21 et 22 juin]. En outre, les risques à la baisse quant aux perspectives économiques ont augmenté.»

«Même en assumant que les États-Unis évitent une récession qui pourrait résulter de l'austérité budgétaire en 2012-2013, on imagine mal une croissance qui pourrait faire mieux que de maintenir le chômage à son niveau actuel», pense Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC.

Le communiqué ne dit mot par ailleurs de la décote de la dette américaine par l'agence Standard&Poor's, ni de la débâcle boursière des derniers jours, contrairement à ce qu'espéraient plusieurs intervenants sur les marchés.

«La Fed semble agir sur le seul terrain économique ou désire à tout le moins que son action soit perçue comme telle», juge Michael Gregory, économiste principal chez BMO marchés des capitaux.

Fait étonnant, elle s'attend aussi à ce que l'inflation revienne à des niveaux plus faibles que ce qu'elle souhaite, à mesure que se dissiperont les effets des poussées des prix de l'énergie et des biens de base. En juin, le taux annuel d'inflation s'élevait à 3,6% aux États-Unis, soit le double de la cible implicite des autorités monétaires.

On a aussi appris hier que les coûts unitaires de main-d'oeuvre avaient bondi de 4,8% au premier trimestre. Au deuxième, ils ont encore grimpé de 2,2% tandis que le taux de productivité a reculé durant les deux trimestres. Cela explique peut-être que l'inflation de base, qui exclut les aliments et l'énergie, s'accélère depuis les derniers mois, malgré la décélération de la croissance.