Aux États-Unis comme ailleurs dans le monde, les places boursières retiennent leur souffle, espérant que les parlementaires de Washington prendront la décision qui permettra à leur pays d'éviter la catastrophe financière.

Mais l'impensable se produit: dans un vote qui se veut un désaveu des élites politiques et financières, les républicains de la Chambre des représentants se rebellent et rejettent un plan négocié de peine et de misère par les dirigeants de la Maison-Blanche, du Trésor et du Congrès. La panique s'empare aussitôt de Wall Street, qui connaîtra sa journée la plus noire depuis le krach de 1987.

«On avait l'impression que le monde s'écroulait», dira un courtier à la clôture des marchés.

Ce scénario n'a rien de futuriste. Il correspond à ce qui s'est passé le 29 septembre 2008 à Wall Street après le refus du Congrès d'approuver la première version du plan Paulson, le plan de sauvetage bancaire de 700 milliards de dollars qui a été adopté quelques jours plus tard après avoir été amendé.

Or, au train où vont les choses à Washington, ce scénario pourrait se répéter si les élus de Washington ne parviennent pas avant le 2 août à un accord pour relever le plafond de la dette, actuellement de 14 300 milliards de dollars. Resterait à savoir si une débandade boursière forcerait les dirigeants des deux partis à surmonter enfin leurs différends.

Jouer avec le feu

En attendant, démocrates et républicains continuent à jouer avec le feu, tout en se disant confiants de voir les États-Unis remplir leurs obligations en matière de dette.

«La chose la plus importante est que nous supprimions cette menace de défaut du pays pour les 18 prochains mois», a déclaré le secrétaire au Trésor Timothy Geithner dimanche sur CNN. «Ce que les dirigeants savent est qu'il faut quelque chose qui passe à la Chambre (des représentants), passe au Sénat et que le président puisse accepter.»

N'en déplaise au secrétaire au Trésor, le président républicain de la Chambre, John Boehner, a l'intention de tenir cette semaine un vote sur un plan auquel Barack Obama ne devrait pas manquer de s'opposer. Ce plan nécessiterait de relever le plafond de la dette en deux temps. Le premier relèvement, qui interviendrait avant le 2 août, serait assorti de 1000 milliards dollars de coupes budgétaires. Le deuxième relèvement, qui surviendrait en 2012, serait accompagné de 3000 milliards de dollars de coupes additionnelles.

L'administration démocrate a déjà indiqué son opposition à tout plan nécessitant de nouvelles négociations sur le relèvement de la dette pendant la campagne présidentielle. À défaut d'un grand accord avec les républicains, le président préfèrerait sans doute une proposition mise de l'avant par le sénateur Harry Reid et dont il a discuté hier soir lors d'une réunion à la Maison-Blanche avec les chefs de file démocrates du Congrès.

Ce plan prévoit des coupes budgétaires de 2400 milliards de dollars et permettrait le relèvement du plafond de la dette jusqu'en 2013.

Boehner garde le cap

Tout en déclarant son intention d'organiser cette semaine à la Chambre un vote sur son propre plan, John Boehner a affirmé dimanche ne pas avoir abandonné l'espoir de parvenir à un accord bipartite sur le relèvement du plafond de la dette.

«Ma dernière offre tient toujours. Je n'ai jamais retiré ma dernière offre», a-t-il dit sur Fox News.

Le président de la Chambre avait proposé à Barack Obama un plan contenant 800 milliards de dollars de nouveaux revenus sur 10 ans grâce à une réforme du code d'impôts, ainsi que 3000 milliards de dollars de coupes budgétaires.

John Boehner a cependant mis fin vendredi à ses pourparlers avec le président après que celui-ci eut demandé

400 milliards de dollars de revenus supplémentaires sur 10 ans. Ce qu'il n'a pas dit en expliquant sa décision de claquer la porte des négociations, c'est que le plan qu'il a proposé au président serait rejeté par la plupart des républicains de la Chambre. Ceux-ci s'opposent en effet à toute hausse des recettes de l'État fédéral dans le cadre d'un accord pour lutter contre le déficit.

Certains d'entre eux doutent même de la crédibilité des scénarios catastrophiques évoqués par l'administration démocrate et plusieurs experts dans le cas du non-relèvement du plafond de la dette.

La réalité pourrait évidemment finir par les rattraper.