La Cour suprême américaine a bloqué lundi la plainte en nom collectif pour discrimination de 1,5 million de femmes contre le géant américain de la distribution Wal-Mart, la plus large de l'histoire, et en a profité pour alourdir les critères de poursuite contre les employeurs.

Dans la décision la plus attendue de l'année, la plus haute juridiction des Etats-Unis a estimé que chacune de ces femmes ne pouvait prétendre avoir subi les mêmes discriminations que les autres et que par conséquent, une action en nom collectif n'était pas tenable.

À l'origine, six employées de Wal-Mart avaient porté plainte en 2001, affirmant être moins bien payées que leurs collègues masculins à compétence et ancienneté égales, et être également lésées en terme de promotions.

En 2007, un tribunal fédéral les a autorisées à représenter la totalité des employées du distributeur depuis 1998, soit plus d'un million et demi de femmes. Cette plainte d'une taille jamais vue avait été validée en appel en 2010.

Mais cinq juges de la Cour suprême sur neuf ont estimé la plainte irrecevable car les plaignantes ne peuvent démontrer avoir toutes subi le même préjudice.

«La théorie des plaignantes est l'existence d'une culture d'entreprise enracinée et uniforme», affirme la Cour. Or, rappelle-t-elle, Wal-Mart a pour politique de laisser à la discrétion des directeurs locaux de magasins l'attribution d'augmentations ou de promotions à leurs employés.

«Le but de cette politique est précisément d'éviter que tous les employés soient évalués de la même façon», poursuit-elle.

Wal-Mart s'est logiquement réjoui de la décision. «De toute évidence, la décision d'aujourd'hui a d'importantes conséquences légales, mais, ce qui est tout aussi important, elle sape les accusations portées contre Wal-mart depuis dix ans», a estimé Gisel Ruiz, responsable des relations humaines, dans un communiqué.

«Toutes les employées et tous les clients peuvent avoir des sentiments encore meilleurs envers la société grâce à la décision d'aujourd'hui», a-t-elle estimé.

Pour les avocats spécialisés dans les discriminations au travail du blog the workplace class action (poursuites en nom collectif contre les employeurs), au- delà du rejet de la plainte en elle-même, la Cour a «établi une feuille de route sur la future manière d'envisager la possibilité de déposer des plaintes en nom collectif».

«Cette feuille de route est nettement plus en faveur des employeurs qu'avant», poursuit le blogue.

De fait, la Cour revient longuement sur le principe de «l'expérience commune» que tout plaignant doit démontrer pour se constituer en nom collectif. Elle complique la tâche des plaignants, en exigeant un «ciment pour attacher ensemble les raisons communes à toute décision discriminatoire». Faute de quoi, «il est impossible de dire si l'examen de toutes les plaintes en même temps répondrait à la question cruciale: "Ai-je été défavorisé?"».

La décision a été applaudie par l'ultra-libérale Chambre de commerce des États-Unis. «Le système des actions en nom collectif est trop souvent détourné pour obliger les sociétés à choisir entre régler financièrement à l'amiable des plaintes sans fond ou bien s'exposer à la ruine», a-t-elle commenté dans un communiqué.

«C'est un coup terrible non seulement pour les employées concernées mais pour toutes les femmes faisant l'objet de discriminations sur leur lieu de travail chaque jour», s'est en revanche lamentée la représentante démocrate Rosa Delauro.

Avocat d'employées dans une affaire similaire contre Novartis, David Sanford a de son côté fustigé une décision qui est le fait de seuls hommes, alors que parmi les juges de la minorité, trois sont des femmes.

«C'est une décision sidérante», a-t-il estimé. Pour lui, c'est au Congrès maintenant d'agir pour mettre en place de nouveaux critères présidant aux actions en nom collectif.