Sept ans après s'être attaqué à la malbouffe dans son premier film en se nourrissant exclusivement au McDo, Morgan Spurlock s'en prend à l'industrie de la commandite. Jeudi dernier, le réalisateur de Super Size Me et Where in the World is Osama Bin Laden? a présenté en première canadienne au festival Hot Docs de Toronto son documentaire The Greatest Movie Ever Sold, sur le placement de produits et la publicité.

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Précision: il serait plus juste d'écrire «POM Wonderful Presents: The Greatest Movie Ever Sold». Car avec son dernier-né, en salle à Montréal le 6 mai, le documentariste américain tente de démontrer par l'absurde à quel point la commandite et la publicité se moulent à nos vies. En 2010, les dépenses annuelles en marketing et en publicité aux États-Unis se chiffraient à 412 milliards US, signale-t-il d'ailleurs en introduction de son film. Pour ce faire, il a décidé de produire un documentaire totalement commandité, dans lequel les entreprises participantes ont le premier rôle et tous les privilèges. «L'idée du film vient d'une conversation avec mon partenaire et coscénariste (Jeremy Chilnick) au sujet de l'insertion peu subtile des voitures Nissan Rogue dans le scénario de l'émission Heroes, raconte à La Presse Affaires Morgan Spurlock. On s'est demandé jusqu'où on pouvait aller en commandite.»

À leurs risques et périls...

L'affiche du film prouve - on s'en doutait - qu'on peut aller très loin. La démarche de Spurlock devant les caméras? Solliciter agences de publicité et entreprises pour prendre part à son documentaire. Réussira, réussira pas? Après une centaine de refus, une douzaine d'entreprises qui se sont fait tordre le bras ont accepté de devenir la boisson, la chaussure ou la compagnie aérienne officielle du documentaire.

Tout cela à leurs risques et périls, parce que bien paraître devant les consommateurs et contrôler son produit sont des enjeux majeurs, mais n'est pas garanti qu'on y arrive lorsqu'on remet sa marque entre les mains d'un gars comme Spurlock!

Or, voilà également le but de la démarche humoristique du réalisateur: montrer le caractère nullement altruiste d'une commandite. Montrer que les industries du cinéma, de la télévision, de la musique, les institutions et les villes sont toujours plus tributaires du privé pour se financer. Et, enfin, rappeler qu'il n'y a rien de plus puissant qu'une marque établie.

Grâce à la... pub

Ironiquement, à cause de ses documentaires aux titres amusants et de la façon dont il se met en scène, Morgan Spurlock est lui-même devenu une marque, aux yeux de certains. «Je suis d'abord un réalisateur, dit-il. J'essaie de faire des choses pertinentes, drôles et intelligentes. Je ne pense pas que je suis une marque. Cela dit, une fois réalisés, je veux que mes films suscitent un engouement et des discussions. Ça devient alors du marketing. En fin de compte, on a besoin des médias pour faire parler de nous, nous vendre. Je n'ai pas des millions pour faire parler de mes films. On est dans un marché très compétitif.»

Si Morgan Spurlock souligne le caractère envahissant de la pub dans The Greatest Movie Ever Sold, le réalisateur reconnaît qu'il serait naïf de ne voir que les côtés négatifs du placement de produits. «Je suis réaliste, dit-il. On vit dans un monde où on boit du Coke et où on part en vacances en Floride. Mais on a été si désensibilisés à la publicité qu'on ne voit pas à quel point on est envahis, qu'elle est omniprésente. Où doit-on tracer la ligne? Veut-on vivre dans un monde dans lequel nos enfants vont s'amuser au parc Mountain Dew? Cela dit, j'aime le fait que le placement de produits ait rendu la production de ce film possible!»